Jack Nicholson

Atkins. Tout le monde attrapa la courante ou des parasites intestinaux.
    Mais les membres de l’équipe étaient encouragés par « le sentiment d’appartenir à une famille et le sentiment de faire un film qu’ils pouvaient considérer comme le leur », d’après les mots de Will Hutchins.
    « C’est la seule fois de ma vie que j’ai connu ça : un groupe d’amis qui partaient ensemble pour faire un film, se souvient Hutchins. C’était ce que John Ford disait : un dur labeur. Tout le monde accomplissait deux ou trois tâches laborieuses. Je m’occupais des lumières. Ma doublure, qui devait faire une cascade à cheval, faisait aussi partie de l’équipe technique. Ça n’avait rien de syndical. Il n’a jamais été question de toucher plus d’argent. On avait vraiment l’impression d’être en train de faire un film. »
    Nicholson prit son rôle de producteur très au sérieux. Il surprit ses amis par sa frugalité et faisait beaucoup de choses lui-même dans le but d’économiser de l’argent, mais aussi d’apprendre sur le tas.
    C’était Jack qui, avant de partir pour Kanab, avait choisi la plupart des costumes à l’immense magasin de Hollywood qu’était Western Costumes (en portant une attention particulière au choix de l’ensemble de cuir blanc brillant qu’il porterait dans The Shooting). Pendant le tournage, Nicholson prit des photos pour un éventuel usage publicitaire, assumant la tâche de photographe de plateau en alternance avec Charles Eastman. « Il prend les photos quand je joue, disait Nicholson, et c’est moi qui les prend quand il joue. »
    Hellman avait tendance à faire de longues prises, et parfois le producteur Nicholson devenait très « têtu », d’après les mots de Hellman, vis-à-vis de « certaines choses qui lui semblaient générer trop de pertes de temps ou d’argent ». Quand les lieux de tournage n’étaient pas accessibles en voiture, Nicholson et Hellman se disputaient au sujet de l’intérêt de cette perte de temps et de tous ces efforts tout en rangeant le matériel dans des sacs à dos.
    The Shooting fut tourné en premier. C’était une production plus intime, mais aussi plus complexe, plus exigeante pour les acteurs. Les personnages étaient incontestablement excentriques : une dame autoritaire coiffée d’un chapeau noir (Perkins), un ancien chasseur de primes employé pour l’escorter dans le désert (Oates), le compagnon loquace du chasseur de primes (Hutchins) et l’acolyte de la dame, un tueur laconique (Nicholson). Cette obscure intrigue de revanche demeure l’une des énigmes les plus récalcitrantes du cinéma. Le script de Carole Eastman est digne d’un maître, les dialogues singuliers et le sens insaisissable.
    Willet Gashade (Warren Oates) : Je vois pas l’intérêt.
    La femme (Millie Perkins) : Il n’y en a pas.
    Une fois le tournage de The Shooting achevé, Cameron Mitchell, Harry Dean Stanton, Rupert Crosse et une dizaine d’autres personnes du contingent de L’ouragan de la vengeance arrivèrent sur les lieux. Parmi eux, seul Cameron Mitchell reçut un traitement de faveur. « Je vivais dans un bon hôtel, se souvient-il. J’étais traité comme une star. Les autres acteurs et techniciens vivaient dans des gargotes à hamburgers frites. Je n’avais pas conscience de ça à l’époque. Si j’avais su, j’aurais été prêt à faire des concessions. »
    Hutchins et Oates firent leurs bagages. Hutchins se souvient de la tristesse qu’il ressentit, mais aussi du fait que Nicholson l’ait pris à part pour discuter de son cheval. Il se trouvait que dans The Shooting, le personnage joué par Hutchins était rattrapé et tué par celui de Jack. Mais Hutchins commit l’erreur de se vanter auprès de Jack en lui disant que s’il avait réussi à le dépasser, c’était seulement parce qu’il s’était laissé faire, conformément aux exigences du script ; son cheval était plus rapide que celui de Jack. Pour L’ouragan de la vengeance, Jack (« un type qui avait l’esprit de compétition, il voulait mon cheval, le meilleur cheval », dit Hutchins) mit un point d’honneur à s’approprier le cheval de Hutchins. Même les chevaux, donc, étaient en compétition.
    Le script de Jack était, par certains aspects, plus conventionnel que celui de The Shooting, davantage mené par l’intrigue. Mais il révélait une maturité croissante de l’écriture, avec des dialogues étranges et naturalistes