Je n'aurai pas le temps
écouter de la musique, me promener dans la campagne, visiter le monde…
Dialogue
Depuis la parution de Patience dans l’azur (1981), je reçois presque chaque jour des lettres de lecteurs. Toutes, ou presque, reçoivent une réponse, brève ou longue, rapide ou différée. Ainsi, depuis un quart de siècle, le contact existe et les échanges se poursuivent. Dorénavant, les courriels les multiplient, mais il arrive que je sois submergé ou que des naufrages informatiques fassent sombrer ma messagerie…
Ces lettres m’ont confirmé tout l’intérêt que nos contemporains portent aux questions scientifiques. En particulier, les personnes dites « du troisième âge », des retraités souvent de situation modeste, ou des mères de famille dont les enfants ont quitté la maison et qui ont du temps libre. Certains lecteurs me confient l’attente dans laquelle ils étaient de s’adonner à une occupation intéressante. L’astronomie est plébiscitée. En savoir plus sur l’Univers, les galaxies, les étoiles, est fréquemment cité comme centre d’intérêt. Être au fait des dernières découvertes motive puissamment. L’excitation qui s’empare d’eux leur permet de participer à cet essor des connaissances qui résulte de la recherche.
L’approche de la fin de vie explique-t-elle cet engouement ? Plusieurs personnes le disent explicitement. Se détachant des préoccupations matérielles, elles satisfont leur désir de s’éloigner du quotidien, d’aborder des sujets moins « terre à terre ».
Des questions de mes lecteurs m’ont parfois laissé perplexe. Elles faisaient écho à mes propres interrogations. Elles ont orienté mes lectures et mes réflexions. Elles m’ont guidé dans le choix des sujets que j’ai abordés ultérieurement. Ainsi s’est instauré un dialogue, ponctué de nouveaux ouvrages largement inspirés par ces échanges épistolaires.
Plusieurs correspondants ont abordé un thème qui m’habite depuis longtemps : la situation conflictuelle entre les scientifiques et les littéraires. Les mots chargés de condescendance de mon professeur d’astronomie et de certains de mes camarades étudiants étaient restés gravés en moi. Sur quelles bases reposait cette fâcheuse propension à mépriser tout ce qui n’est pas science ? Cette tendance hégémonique est-elle défendable ? L’écriture de Malicorne fait une large place au thème de la réconciliation entre la science et la poésie.
La rencontre de Jacques Very, enseignant en arts plastiques, m’a donné une autre occasion de poursuivre cette démarche de réconciliation. Nous avons fait connaissance à un congrès sur « Le rôle de l’imagination en art et en science » organisé par le poète Pierre Emmanuel au château d’Épernay.
À cette époque, Jacques enseignait le dessin dans un collège de la banlieue parisienne. Avec deux collègues, Éliane Lemierre-Dauphin, enseignante en lettres, et Nicole Delsarte, professeur de physique, il avait formé le projet de regrouper les activités de leurs classes, textes, poèmes, dessins, autour d’un thème : l’espace. Chaque semaine, je rencontrais ces jeunes, d’une douzaine d’années environ, qui me bombardaient de questions auxquelles je tentais de répondre.
En fin d’année, un choix de dessins et de poèmes accompagnés de magnifiques documents astronomiques, ainsi que de mes réponses, fut publié en un livre intitulé Soleil . J’ai, par la suite, eu plusieurs fois l’occasion de profiter du grand talent de photographe de Jacques dans mes ouvrages : L’espace prend la forme de mon regard et, plus récemment, Patience dans l’obscur , un livre illustré sur la maternité.
La belle histoire
J’ai parlé (au chapitre 4) de ma grand-mère, Charlotte Tourangeau, et de ses talents de conteuse. Aujourd’hui, quand je m’apprête à raconter une histoire, ou lorsque je me prépare à donner une conférence, il m’arrive de penser à elle. Je l’imagine sur le point de nous livrer la suite du récit palpitant qu’elle avait commencé la veille…
Au fil du temps, et grâce à mon métier d’astronome, j’ai pu enrichir mon répertoire de ce que j’aime appeler « la belle histoire ». Celle du cosmos, qui va du Big Bang jusqu’à chacun d’entre nous (chapitre 23). J’ai eu l’occasion de l’évoquer devant des auditoires très variés allant des écoliers aux personnes du troisième âge… Des collégiens, des lycéens,
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