Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Je n'aurai pas le temps

Je n'aurai pas le temps

Titel: Je n'aurai pas le temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Reeves
Vom Netzwerk:
de ses huit ans, j’imagine un repas de Noël dans la maison familiale de Joseph Rives à Pointe-aux-Trembles dans les années 1750. Selon la tradition québécoise, les oncles et les cousins sont venus des villages environnants pour manger la dinde aux canneberges et danser au son de l’accordéon. Le baume du temps est passé et les blessures se sont cicatrisées…

    Les patronymes
    Il est de coutume, dans les bonnes familles, de s’intéresser à la lignée des ancêtres. Cette préoccupation est particulièrement importante chez les nobles, qui peuvent ainsi faire valoir les mérites politiques ou guerriers de leurs ascendants. Il importe pourtant de remarquer que cette tradition repose sur l’idée que la prétendue « qualité du sang » se transmet uniquement par le père. À la lumière de nos connaissances contemporaines en génétique, nous devons reconnaître que cette idée est totalement fausse. Le partage se fait moitié-moitié entre le père et la mère.
    Mon ancêtre, Joseph Rives, se situe sept générations avant moi.
    Depuis l’arrivée au Québec de Joseph Rives, cent vingt-huit ancêtres directs ont contribué au patrimoine génétique que j’ai reçu à ma conception. Chacune de ces personnes est digne, à mes yeux, d’un intérêt équivalent à celui que j’ai porté à Joseph. Je reconnais cependant avoir adopté, pour la liste qui suit, la tradition de la pure lignée patriarcale, pourtant totalement conventionnelle…
    La séquence des patronymes de ma lignée familiale s’établit alors comme suit :
    – John Rives, marié à Jane Crine (en Nouvelle-Angleterre) aux environs de 1715.
    – Joseph Rives, marié à Catherine Perreault en 1750.
    – Louis Reeves, marié à Geneviève Beaudry en 1795.
    – Charles Reeves, marié à Zoé Desautels Lapointe en 1838.
    – Charles Reeves, marié à Emmanuelle Laporte en 1868.
    – Charles-Aimé Reeves, marié à Alida Laporte en 1893.
    – Joseph-Aimé Reeves (mon père), marié à Manon Beaupré (ma mère) en 1927.
    1 .
    À lire sur ce thème : Susanna Johnson, Récit d’une captive en Nouvelle-France (1754-1760) , Éditions du Septentrion, 2003.

Chapitre 3
    Le Père Louis-Marie, trappiste et botaniste
    L es fils qui tissent la trame de nos existences se sont quelquefois mis en place longtemps avant notre naissance. Les responsables ne se doutaient guère de la portée future de leurs gestes. Comment auraient-ils pu prévoir l’influence qu’ils allaient avoir sur un être encore à naître ?
    Un personnage a joué ainsi un rôle important dans mon choix d’une carrière scientifique. Il s’appelait Louis Lalonde, avant d’entrer dans les ordres sous le nom de Père Louis-Marie. Pendant la Première Guerre mondiale, il avait étudié la génétique avec le Frère Marie-Victorin, botaniste canadien, un des pionniers de la recherche au Québec. Dans ses moments libres, il courtisait ma future mère, Manon Beaupré.
    « Parlez-moi de Louis, dis-je un jour à ma tante Colombe, sœur cadette de ma mère. Dans sa jeunesse, aimait-il déjà les fleurs et les animaux ? Était-il passionné de sciences ? » Je voulais en savoir plus sur cet homme qui allait prendre pour moi tant d’importance. Elle me répondit avec un sourire espiègle : « À cette époque, il était surtout passionné de Manon ! » Et de me raconter l’anecdote suivante : pour ses étrennes, ma tante avait reçu des mocassins, dont les semelles de feutre rendaient ses pas silencieux. Ainsi chaussée, elle était entrée un jour sans bruit dans le salon de la maison familiale où les tourtereaux se bécotaient allègrement. Selon ses dires, elle fut chassée promptement.
    Mais un événement politique va mettre fin à leurs tendres rencontres. Pour aider l’Angleterre à gagner la Grande Guerre, le gouvernement canadien impose la mobilisation de tous les hommes en âge de porter les armes. Tous sauf, entre autres, les curés et les moines. Mme Lalonde mère a vite fait de convaincre son fils que les cellules des monastères sont moins rudes et plus sûres que les tranchées de Verdun. Louis entre chez les trappistes, expliquant à Manon que « ça » ne durera pas et qu’il reviendra célébrer leurs fiançailles dès que les trompettes de la victoire auront résonné au-dessus de l’Atlantique. L’Armistice est signé en 1918 mais, comme Malbrouck, Louis ne revient pas. Il a, dit-il, trouvé sa vocation. Devenu le Père Louis-Marie, il

Weitere Kostenlose Bücher