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Je n'aurai pas le temps

Je n'aurai pas le temps

Titel: Je n'aurai pas le temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Reeves
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animosité à son égard. On peut dire de lui qu’il « tire les marrons du feu ». Ce n’est pas justifié, mais c’est ainsi. On touche là une sorte d’injustice, une réalité qui n’est pas propre au seul milieu scientifique. Elle était à mon avantage à cette occasion, mais, à d’autres moments, j’en ai sévèrement pâti.
    Le mystère des Wolf-Rayet
    Nous avons maintenant les éléments nécessaires pour élucider l’absence d’hydrogène à la surface des étoiles de Wolf-Rayet qui intriguait les astronomes d’Agassiz. La nucléosynthèse se produit dans les régions chaudes situées au cœur des étoiles. Tout au long de la vie stellaire, les nouvelles particules y demeurent confinées, tandis que les couches superficielles, à plus basse température, sont toujours majoritairement constituées d’hydrogène. Ce n’est généralement qu’à la mort plus ou moins explosive de l’étoile que ces nouveaux atomes sont éjectés dans l’espace.
    Mais il nous faut considérer un autre facteur : les vents stellaires. À des intensités plus ou moins élevées, les étoiles éjectent en permanence une partie de leurs couches superficielles. Les aurores boréales, que j’admirais couché dans la toundra, sont les manifestations de cette matière éjectée par le Soleil quand, se propageant dans le Système solaire, elle rencontre la haute atmosphère de notre planète. Dans le cas du Soleil, la perte de masse est faible et n’affecte pas d’une façon importante sa structure.
    Tel n’est pas le cas des étoiles de Wolf-Rayet. Nous savons à présent qu’elles éjectent en permanence dans l’espace un puissant vent qui les dépouille progressivement de leurs couches supérieures. Dévêtues du manteau d’hydrogène qui cachait leurs œuvres, elles laissent apercevoir les atomes de carbone, d’azote et d’oxygène nouvellement formés et maintenant ramenés à leur surface. La lumière caractéristique que ces éléments émettent nous permet de les identifier. Les étoiles de Wolf-Rayet sont des laboratoires de physique nucléaire dans lesquels la nucléosynthèse se poursuit pratiquement sous nos yeux.

    Enseignement à l’université de Montréal (1960-1964)
    À Cornell, la vie était bien agréable. Avec mon épouse Francine, nous avions déjà une petite famille de trois enfants : Gilles, Nicolas et Benoît. L’université est située en pleine campagne dans une très belle région de l’État de New York, au bord du lac Cayuga. Nous avons passé beaucoup de temps à explorer les lacs, les chutes et les parcs avoisinants. Je me souviens en particulier d’un manège forain au bord de l’eau où nous allions accompagner les enfants sur les chevaux de bois. Au rythme d’une musique tsigane nous tournions lentement pendant que la nuit tombait, que l’eau du lac, aperçue à chaque révolution, s’assombrissait et que les lumières s’allumaient une à une sur la plate-forme tournante. Il n’y avait pas de manèges au Canada pendant mon enfance. J’étais reconnaissant à mes enfants de m’avoir fourni un prétexte pour en faire, enfin, l’expérience. (Et j’ai revécu le même plaisir récemment avec mes petits-enfants.)
    Nous avions quelques amis dont les enfants jouaient avec les nôtres pendant qu’à l’américaine le père de famille nous enfumait lors de ses efforts pour allumer un barbecue récalcitrant.
    Mais ma thèse se terminait et il fallait partir. Pendant ma dernière année (1960), j’ai visité plusieurs universités américaines en quête de nouveaux professeurs. Et aussi des laboratoires spécialisés dans le développement de l’énergienucléaire civile, en laquelle je croyais beaucoup. Tous frais payés, j’ai pu m’immerger dans différentes ambiances scientifiques pour voir si je m’y sentais à l’aise.
    Deux questions se posaient à moi. D’abord, avais-je envie de vivre, et de faire vivre ma famille, hors du milieu francophone auquel j’étais tellement attaché ? Ensuite : voulais-je prendre un poste qui, accaparant tout mon temps, m’empêcherait de suivre de près les développements de la physique et de l’astronomie ? Je ne pouvais me décider à m’exiler loin des courants vibrants de la recherche de pointe.
    Un autre élément vint s’ajouter à ma réflexion lorsque je reçus une invitation du département de physique de l’université de Montréal. Deux professeurs québécois, Serge Lapointe, physicien, et Benoît

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