Je n'aurai pas le temps
meurtrier dans d’autres conflits.
Après la guerre du Vietnam, Salpeter m’a raconté comment il avait fait partie du comité Jason, un groupe de physiciens embauchés comme conseillers par le ministère de la Défense de Washington. « Grave erreur de ma part, disait-il. Je croyais naïvement pouvoir jouer un rôle actif pour promouvoir la paix. Je reconnais maintenant avoirété roulé. J’ai participé à des projets dont j’ai honte maintenant. J’ai surestimé mes propres forces. Je regrette ma participation et j’en tire maintenant des leçons. Ne sous-estimez pas vos partenaires. »
Les sources d’énergie stellaire
Vers la fin de mes études à Cornell, mon patron de thèse, Ed Salpeter, me proposa d’écrire pour une Encyclopédie d’astronomie un article sur les différentes sources d’énergie nucléaire mises en jeu dans les étoiles. Ce travail lui avait été confié depuis plus d’un an. Il lui fallait maintenant le rendre rapidement et, compte tenu de ses nombreuses occupations, il ne voyait pas comment faire. J’acceptai volontiers, réjoui de la confiance que m’accordait ce scientifique que j’admirais tant.
Rappelons les différentes phases de la vie des étoiles (fig. III). Peu après leur formation, elles brûlent del’hydrogène qui se transforme en hélium ; c’est le cas du Soleil. Quand l’hydrogène est épuisé, l’étoile se réchauffe et l’hélium se convertit en carbone et en oxygène (fig. IV) ; c’est le cas des géantes rouges. Puis, et c’était le sujet de ma thèse, le carbone et l’oxygène sont transmutés en éléments plus lourds (néon, sodium, magnésium, aluminium et silicium) dans une phase encore plus avancée de la vie stellaire appelée phase « supergéante rouge » (fig. V).
L’article devait faire le point sur chacune de ces phases et présenter les résultats les plus récents. Cela impliquait le passage en revue et la critique des mesures de laboratoire sur l’ensemble des réactions nucléaires qui intervenaient dans ces processus. D’où un long travail préliminaire avec les physiciens nucléaires, une sorte d’enquête à mener un peu partout sur la planète pour m’assurer d’avoir les données les plus récentes.
J’ai rencontré ces physiciens sur leurs lieux de travailpour recueillir de leur bouche même le fin mot de l’histoire, en particulier lorsque des expérimentations différentes amenaient à des résultats discordants. J’en ai profité pour leur faire valoir l’importance de leurs mesures, et plus généralement de la physique nucléaire, dans le développement de l’astronomie. La prise de conscience de cet intérêt, que, souvent, ils n’avaient pas perçu, a suscité un renouveau de leur motivation. Je m’essayais dans un nouveau métier, celui de « représentant de commerce de l’astrophysique », qui me fit voyager dans plusieurs pays.
Il fallait par ailleurs procéder à des calculs sur ordinateurs, le but ultime de l’article étant d’offrir aux astronomes les données numériques nécessaires à l’interprétation des observations astronomiques obtenues avec les télescopes.
Avant la parution de l’ Encyclopédie , le volumineux manuscrit a été publié, sous forme de prétirage, par la Nasa et largement distribué dans les universités, les observatoires et autres centres de recherches. L’ouvrage venait à point nommé remplir un vide ressenti par beaucoup de chercheurs. Il comblait une brèche entre les physiciens et les astronomes, ouverte quelques années auparavant, après la découverte de l’origine nucléaire de l’énergie stellaire. Cet article m’a été par la suite d’une grande utilité. Après sa publication, j’ai été invité à présenter des conférences sur ce sujet dans un grand nombre d’universités et de centres de recherches aux États-Unis, au Canada, et puis en Europe et en URSS. Il fut ma « carte de visite ».
Le revers de la médaille
Mais, à toute médaille, son revers, et j’allais en faire l’expérience.
Les ouvrages de synthèse, incluant en quelque sorte une compilation de multiples résultats auparavant disséminés dans la littérature, deviennent rapidement des œuvres de référence. Résultat : le patronyme des chercheurs qui ont obtenu ces résultats n’est plus au premier plan, et leur patient labeur est occulté. C’est le nom de l’auteur de lasynthèse qui sera retenu, ce qui provoque quelquefois une certaine
Weitere Kostenlose Bücher