Je n'aurai pas le temps
n’avez pas le droit d’aller aussi lentement. Vous êtes un danger public. »
Enseigner à la NASA
Sur concours – les formulaires étaient distribués dans un grand nombre d’universités et de centres de recherche dans le monde entier –, la Nasa sélectionnait une centaine d’étudiants de diverses nationalités. Les cours se donnaient dans une salle vétuste de l’université Columbia.
Parmi les étudiants, il y avait plusieurs Français. J’ai pu me rendre compte d’une caractéristique de l’enseignement en France dont j’avais souvent entendu parler : l’accent mis sur l’abstrait plutôt que sur le concret. Sur les mathématiques plus que sur la physique. Plus exactement, sur les aspects théoriques de la physique plus que sur la visualisation, l’imagination et l’intuition. Un exemple. Je demande un jour aux étudiants de calculer la hauteur de l’atmosphère de la planète Mars. Un étudiant français, après avoir correctement dérivé les équations qui décrivent la structure de l’atmosphère, obtient une hauteur totalement aberrante. Je lui dis : « Le plus étonnant, ce n’est pas que vous ayez fait une erreur de calcul, chacun peut en faire, c’est que vous n’ayez pas réalisé que votre estimation place le sommet de l’atmosphère de Mars bien au-delà de la galaxie d’Andromède ! »
Du directeur de l’Institut, Robert (Bob) Jastrow, je connaissais déjà les travaux sur la nature de la force nucléaire. Il vivait dans un état d’agitation permanentequ’il entretenait par une succession ininterrompue de cafés serrés. Il était la caricature même du PDG speedy donnant des ordres à trois secrétaires à la fois tout en poursuivant des conversations téléphoniques avec Oslo ou Tokyo. L’opposé du calme et de la sérénité auxquels les chercheurs de Cornell m’avaient habitué.
Malgré ses occupations plus que multiples, Jastrow tenait (je n’ai jamais compris pourquoi) à donner lui-même le premier cours de la journée. Son enseignement était constamment interrompu par des secrétaires avec des messages toujours urgents. Il sortait de la classe pour quelques instants. On l’entendait pester dans le couloir. Puis il revenait en disant : « Où en étais-je ? »
Visite des laboratoires de la Nasa
Après huit semaines d’un enseignement intensif venait la semaine du field trip (voyage sur le terrain). La Nasa affrétait un Boeing 707 qui nous emmenait, notre centaine d’étudiants et nous, visiter les centres où se déroulait l’entraînement des astronautes qui devraient s’envoler vers la Lune.
Nous nous rendons d’abord à Washington pour rencontrer les responsables du projet Apollo et nous informer de son avancement. Puis nous allons en Floride, au cap Kennedy (Canaveral), pour assister à un essai de lancement de la toute nouvelle fusée Saturn-5, alors la plus puissante du monde. Derrière les fenêtres à double vitrage d’un bunker situé à plusieurs kilomètres de la rampe de lancement, nous attendons la mise à feu. Après le décompte, un immense nuage de fumée blanche et noire envahit le ciel. Quelques secondes plus tard, un bruit assourdissant arrive jusqu’à nous, tandis que le sol se met à trembler violemment sous nos pieds. Une expérience effrayante, à vous faire claquer les genoux ! On a vraiment hâte que ça s’arrête.
L’étape suivante nous amène à Houston, Texas, au centre de simulation des conditions lunaires. Sanglés par des courroies fixées à vingt mètres au-dessus de nos têtes, nous expérimentons la marche dans un champ de gravité semblable à celui de la Lune. On peut y faire des sauts allant jusqu’à trois mètres de haut ! Retour par la Californie, où d’autres centres à visiter nous attendent. Et pour fêter la fin de ce voyage initiatique, on nous offre un somptueux dîner au champagne rosé de la Mapa Valley. C’était le temps des vaches grasses !
L’Institute for Space Studies organisait régulièrement des symposiums sur divers sujets d’astrophysique. Un grand nombre de chercheurs de tous les pays – astronomes, physiciens, biologistes, géologues – venaient y assister. On y rencontrait les meilleurs spécialistes, et l’ambiance y était des plus stimulantes. Ces colloques ont été l’occasion de deux événements qui ont beaucoup influencé la suite de ma carrière et mes recherches en astrophysique.
Le duo hydrogène-hélium
Le premier fut la rencontre de
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