Je Suis à L'Est !
un autre compliment, une autre flatterie qui, elle, est exacte. Généralement, cela passe. Parfois, une réflexion est nécessaire.
Si vous passez un entretien dâembauche, il faut vous présenter comme la personne idéale pour le travail en question, embellir votre CV en mentant un petit peu, mais pas trop non plus pour que ce ne soit pas trop flagrant. Vous devez aussi parler de vos aptitudes exceptionnelles. Vous devez évoquer vos loisirs, mais pas vos loisirs effectifs, plutôt des loisirs qui pourraient intéresser le recruteur, câest-à -dire plus ou moins en lien avec votre travail. En somme, il faut savoir se vendre. Se vendre sur le plan littéral pour les entretiens dâembauche, mais cela vaut dans quasiment toutes les interactions sociales, même entre amis. Dans beaucoup dâentreprises, autour de la machine à café, notamment le lundi, tout un genre narratif se déploie : la description du week-end. Il faut le retracer, lâembellir. Quand bien même on se serait engueulé avec son conjoint, on dit plutôt des choses plus flatteuses. On dit que lâon a « fait » (comprenez ce sens du verbe faireâ¦) telle ou telle expo, pour paraître cultivé ou raffiné, alors quâon nây est même pas allé ou quâon nây est resté que quelques minutes en regardant tout sauf les Åuvres exposées. La société exige ces choses ; si vous ne le faites pas, malheur à vous !
Quand on me demande ce que jâai fait ce week-end, je suis obligé de répondre des choses qui ne sont pas socialement valorisantes, ou ne passent pas pour intéressantes. Donc, soit jâévite la machine à café, quitte à mâexposer à divers ragots, soit jâessaie de naviguer entre lâécueil du mensonge et la vérité entière et nue que je ne peux pas non plus dire. Le soir, quand on rentre, on se dit : « Pourquoi tout cela ? » Les gens ne sont pas idiots, ils doivent bien se rendre compte que tout le monde triche, dâune manière ou dâune autre.
Je me suis posé la question lors des rencontres de séduction ; si vous vous présentez sous un jour particulièrement favorable, lâautre personne, à moins dâêtre complètement stupide, doit bien se rendre compte que les belles paroles ne correspondent pas à la réalité. Cela nâen demeure pas moins la norme sociale.
Hiérarchies
Lâexemple type dâune réplique inadaptée lors dâun entretien dâembauche est de sâexclamer face au futur patron (lequel, en lâoccurrence, ne le deviendra sans doute pas) : « Quâest-ce que ça pue, ici ! » En effet, lâun des multiples sous-entendus des hiérarchies sociales est que le patron ne peut avoir certains défauts.
Dit de manière à peine exagérée, quelquâun qui est haut placé dans la hiérarchie a toujours raison. Ainsi, il ne faut pas corriger les fautes dâorthographe du patron alors quâon le fait facilement à un stagiaire. Il ne faut pas corriger le patron, même lorsquâil raconte nâimporte quoi, que les dégâts de lââge ou de la boisson se font sentir.
Mais les questions de hiérarchie sociale peuvent également jouer en faveur des personnes autistes, une fois quâelles ont acquis un certain statut. Alors, on nâose plus les blâmer pour leurs bizarreries. On mâa raconté quâun grand banquier français était très maniaque, et se lavait en permanence les mains. Il avait aménagé pour cela dans son bureau un petit lavabo, et quand il était en entretien, il se lavait régulièrement les mains. Nâimporte qui dâautre passerait pour cinglé. Pas le patron. Cela donne à réfléchir sur la bizarrerie, et le fait que les gens critiquent, blâment ou excluent les gens bizarres.
La tolérance
Jâirais peut-être à contre-courant sur ce point : je ne crois pas que la supposée rigidité de lâautisme sâaccompagne nécessairement dâune intolérance accrue. Au contraire, les personnes avec autisme évitent souvent, de par leur mode de fonctionnement, un certain nombre de jugements hâtifs de la société. Par exemple, les gens qui ont une aptitude à lire les visages, aptitude assurément très
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