Je Suis à L'Est !
maintes difficultés. Comment rédiger une dissertation dans les règles de lâart ? Une dissertation à la française reste un texte plutôt général avec de jolies phrases, une introduction, une transition, une conclusion. Les cas de détail, les exemples ponctuels sont soit intégrés dans le corps du texte, soit évités. Je me reconnais plus difficilement dans ce type dâexercice scolaire ; je lâai plus ou moins appris, mais il ne me reste quâune pratique artificielle. Spontanément, je me retrouve beaucoup plus dans un style dâhistorien qui raconte des histoires, donne des faits, des dates, des chiffres, des noms de personnages. Autant dire que la fréquentation de lâÃcole des hautes études en sciences sociales exigeait un certain apprentissage préliminaire de ma part.
Surchauffe cérébrale et fuite des idées
Une succession rapide dâidées peut évoquer dans certains cas un changement brutal de sujet. Mais il ne faut pas se méprendre, je ne pense pas quâil y ait réellement de changements de sujets impromptus chez les personnes avec autisme. La continuité peut se faire au niveau des structures globales de pensée. Si je parle de lâhistoire du Moyen-Orient ancien, et si juste après, sans transition, je fais une phrase sur le maquillage de Carla Bruni, cela peut évoquer un changement brutal de sujet, mais peut-être que par là je souhaitais faire une analogie, souligner une remarque ou un point commun, une structure logique entre les deux.
Malheureusement, quand un enfant autiste parle, on ne se pose pas tant de questions. On conclut promptement : lâenfant ne sait pas de quoi il parle, il passe du coq à lââne, alors même quâil nây a ni coq ni âne dans la pièce (je suis parfois moins assertif quant au deuxième animal, dâautant plus que son nom, lu à lâenvers, évoque une grande école connue). Il faudrait aller au-delà de lâidée que les personnes avec autisme disent des choses inconsistantes.
Dans mon cas personnel, pendant les années où traînait à mon sujet un diagnostic de schizophrénie et où je nâai jamais été formellement diagnostiqué comme tel, lâun des arguments phares était ce que lâon nomme la fuite des idées. Je crois que le concept « Ideenflucht  » est dû à Ludwig Binswanger, un célèbre psychiatre suisse. Je me sentais concerné par cela et donc, pour moi comme pour le psychiatre à qui jâavais expliqué que mes idées fuyaient, câétait une sorte de semi-preuve ou de signe que je pourrais être atteint de schizophrénie.
Parfois on dit que les personnes avec autisme ne vivent pas dans un univers mais dans un « plurivers », pour rendre la quantité de détails quâils perçoivent, les idées et sensations qui leur sont évoquées.
Vitesse et lenteur
On affirme souvent que les personnes avec autisme sont lentes. Cela est probablement vrai dans un certain nombre de situations. Quand on prend en compte lâensemble des paramètres, effectivement, la prise de décision prend plus de temps. Et quand on est pathologiquement indécis comme moi, encore plus.
Toutefois, les personnes autistes peuvent être très rapides sur ce quâelles connaissent. Essayez de rivaliser en vitesse avec un mathématicien autiste ! De plus, prendre des décisions rapidement est très facile, comme le montre le fameux exemple de la justice, particulièrement rapide dans les régimes dictatoriaux. Avoir des jugements hâtifs est simple. Il serait tout aussi hâtif dâen tirer motif de gloriole.
Pour une personne autiste, souvent, prendre une décision nécessite dâabord de réfléchir à tous les aspects de la question posée ou de la situation qui se présente. Si vous partez en voyage, vous devez planifier toutes les étapes du périple. Vous devez savoir si vous préparerez votre valise tel ou tel jour, avoir en tête non seulement la liste des choses à prendre, mais dans quel ordre vous les mettrez dans votre valise. Cela prend beaucoup de temps. En revanche, il y a ainsi plus de chances que le voyage se passe bien.
à titre personnel, jâaimerais avoir plus de temps pour mes petites activités, mais je suis aussi pris dans le
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