Je Suis à L'Est !
tourbillon et ma vitesse de marche dans la rue sâaccélère en permanence. Le temps passé à ne rien faire est peut-être le plus intéressant. Dans dâautres cultures que jâai eu la chance de fréquenter, on a davantage la possibilité de faire appel à ce type de chose. Dans certains pays, quand un nouveau visage apparaît à lâécran de télévision, dâabord, il énonce une phrase de prière, puis il salue les auditeurs, souhaite le meilleur à leur famille et à leurs affaires. Ce nâest quâensuite quâil commence son propos, non sans présenter des excuses pour son ignorance supposée. En Occident, on couperait un tel gâchis de temps dâantenne. Nous rendons-nous compte que, encore maintenant, en 2012, dans certains pays du monde considérés comme rétrogrades ou archaïques, quand on allume la radio le soir, aux heures de grande écoute, il y a des récitations de poèmes classiques ? En Occident, nous avons des publicités calibrées pour tenir en un minimum de secondes et avoir le plus dâimpact mental possible. à chacun sa culture.
Déficience mentale
La question de la déficience mentale chez les autistes est déjà ancienne, mais demeure insuffisamment étudiée. Il est manifeste que ces personnes peuvent être, comme dâautres, concernées par ce handicap. Toutefois, leur taux est probablement moins important que ce que lâon disait il y a quelques années, où la seule forme dâautisme connue était associée à de la déficience mentale. On affirmait que les autistes nâayant pas de déficience mentale représentaient 0,01 % des cas, alors que la réalité est bien différente.
Lâautisme peut sâaccompagner ou non dâun handicap mental, tout comme il sâaccompagne ou non dâune calvitie, dâune défaillance rénale ou dâautres particularités de la vie humaine. Le lien entre les deux nâest ni automatique ni évident.
Comment évalue-t-on la déficience mentale chez des personnes avec autisme ? Sur certains tests de QI, je suis gravement déficient. Si vous mâévaluez sur des questions considérées comme simples, sur des critères dâaptitude qui sont propres aux enfants de maternelle, mon score sera désastreux. Et il nâest pas sûr que je puisse passer en année de CP, même avec mes compétences sociales actuelles.
Jâai été assez intrigué par les recommandations récentes de la Haute autorité de santé (HAS). Lâune des solutions proposée à longueur de page aux situations dâautisme est de faire des tests : évaluer, noter⦠comme si le fait dâattribuer une note allait changer quelque chose à la situation. Prenons le cas de certains autistes considérés maintenant comme ayant réussi : professeurs dâuniversité, prix Nobel. Très souvent, dans leur enfance, on disait dâeux quâils étaient complètement débiles et déficients mentaux. Un professeur dâEinstein avait énoncé la fameuse sentence : de cet enfant, jamais rien de bon ne surgira. Aujourdâhui, tout le monde essaye de récupérer Einstein pour illustrer sa cause. Les héritiers de ceux qui avaient refusé dâéchanger un tableau de Van Gogh contre un bol de soupe doivent aujourdâhui sâen mordre amèrement les doigts.
Quand jâétais petit, à lâécole, quâest-ce que je nâai pas entendu de la part de mes profs sur mes faiblesses mentales et inaptitudes à réussir, sur lâéchec qui me guettait dès la semaine suivante. Ou encore cette prof de troisième qui disait devant toute la classe : « Josef, il nây a pas de honte à être débile ! Si tu es débile, dis-le », alors même que jâétais le premier de la classe. Quand jâétais en grande section de maternelle, jâétais objectivement gravement déficient, le pire de la classe, je ne savais rien faire. Ni nouer mes lacets ni peindre ni dessiner ni jouer au cerceau ni me bagarrer avec mes petits camarades pendant la récré. Je pouvais à peine marcher et, pour monter les escaliers, câétait très compliqué. Je me souviens de ces soirées où mes parents ne disaient pas un mot et se rendaient
Weitere Kostenlose Bücher