Je Suis à L'Est !
positive, tendent à exclure des catégories humaines : ceux qui ont une couleur de peau différente, ou ceux qui ne sont pas « esthétiques », etc. Des personnes avec autisme qui nâont pas ce type de fonctionnement mental peuvent accepter beaucoup plus facilement ces personnes-là , parfois dâailleurs hélas à leur propre détriment.
Parfois, lors de mes présentations sur lâautisme, je demande au public dâévaluer la dangerosité de personnes dont je montre la photo. Quasi systématiquement, les personnes de couleur sont jugées dangereuses, même Gandhi sur les photos de jeunesse où on ne lâidentifie pas aisément.
Lâépuisement
Les personnes avec autisme se fatiguent beaucoup plus vite que les autres parce quâelles doivent mener simultanément beaucoup de tâches de front. On parle parfois de double, ou de triple cursus pour lâenfant avec autisme à lâécole, qui doit non seulement apprendre le français et les maths, mais également les codes sociaux. Et il doit suivre cet apprentissage tout en faisant particulièrement attention à ce que dit au même moment la maîtresse et à ce que font ses camarades de classe. Par exemple si la règle sociale veut que lorsque quelquâun arrive dans la pièce où je me trouve je doive lui dire bonjour, alors tout en parlant à un interlocuteur, je suis plus ou moins obligé de consacrer un certain pourcentage de mon temps de calcul à surveiller les mouvements dâautres personnes dans la pièce, et, dès quâil y a un mouvement, de tenter de réfléchir, de me demander si cette personne était déjà là dans cette pièce, ou non. Si elle était déjà là , il ne faut pas redire bonjour. Il y a beaucoup de choses auxquelles il faut faire particulièrement attention en permanence, sinon les erreurs seront encore plus nombreuses que prévu. Je crois que de Gaulle a dit quelque chose comme : une discussion avec ma femme mâépuise plus que trois Conseils des ministres. Bien sûr, il sâagit là dâune boutade. Pourtant, on peut y entrevoir la quantité de travail que représente un entretien social pour une personne avec autisme (je ne prétends pas pour autant que le Général lâétait).
Les détails et la globalité
Les personnes avec autisme ont tendance à retenir les détails plutôt que la globalité. Jâai par exemple pour ma part plus de mal à retenir le visage que la couleur des chaussettes dâune personne. La difficulté étant que, pour la plupart des gens, la couleur des chaussettes change : par suite, ce ne peut être un critère dâidentification des personnes.
Je me retrouve ainsi souvent face à des personnes que je connais, mais dont je ne sais pas réellement si ce sont bien elles ou quelquâun dâautre qui leur ressemble⦠Je dois donc mettre en place un certain nombre de stratégies. Par exemple, passer devant elles en ayant la tête un peu tournée : si ce sont les bonnes personnes, elles vous diront bonjour, et vous pourrez toujours faire tacitement croire quâayant la tête tournée vous ne les avez pas vues.
Pour ce qui est des détails, jâai plus tendance à retenir les cas exceptionnels, minoritaires, marginaux. Quand jâétais gamin et que jâapprenais les conjugaisons, il mâétait beaucoup plus facile de retenir la conjugaison de messeoir, choir et gésir que celle des verbes du premier groupe. Souvent, lâattention portée aux détails est plus stimulante.
Parfois, pour rigoler, on dit que Sherlock Holmes avait des petits côtés autistiques, parce que ce qui faisait la différence entre lui et les autres inspecteurs et enquêteurs était quâil remarquait tout de suite le petit détail que le voleur ou lâassassin avait oublié, sâétant dit que nul ne songerait jamais à cette chose. Précisément celle que Sherlock Holmes remarquait tout de suite.
Quand vous adressez la parole à un jeune autiste passionné dâhistoire, il aura souvent tendance à vous énoncer toutes sortes de dates, de chiffres, de faits historiques, alors quâun historien de métier fera un travail beaucoup plus synthétique. Jâai pendant longtemps essayé dâapprendre à le faire, avec
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