Je Suis à L'Est !
guider, il y aura de nombreuses erreurs, de nombreuses gaffes qui seront faites. Et cela peut pourrir pendant des années, voire des décennies, la vie dâune personne avec autisme.
Lâexemple le plus classique est peut-être la fameuse blague du contrôleur dans le train qui arrive et qui vous demande : « Est-ce que je peux voir votre billet ? » Et vous, vous répondez : « Non, vous ne pouvez pas le voir, il est dans ma poche. » Un exemple typique de non-compréhension sociale par la personne avec autisme, le plus souvent de la part des enfants dans ce cas précis. En effet, les adultes ont souvent appris à éviter un certain nombre dâerreurs élémentaires. Mais ils font dâautres gaffes du fait de la nature variable, fluctuante, inédite, imprévue des circonstances dans lesquelles nous nous mouvons.
Lâapprentissage des codes sociaux
Je crois que lâapprentissage des règles sociales peut sâeffectuer comme celui dâune langue étrangère. Au début vous avez beaucoup de mal, lâapprentissage est complètement artificiel. Petit à petit, vous gagnez en aisance. à partir dâun certain point et avec un peu de chance, vous pourrez dans certaines situations vous débrouiller. Mais vous ferez nécessairement des fautes, à un moment ou à un autre, jâallais dire de grammaire, câest-à -dire de mauvaise application de telle ou telle règle, ou alors de mauvaise compréhension de ce que fait lâautre personne qui, elle, est beaucoup plus à lâaise. Par exemple vous pouvez être confronté à un clin dâÅil imprévu. Quâest-ce que cela veut dire, comment lâinterpréter ? Ce sont des questions difficiles sur lesquelles les personnes avec autisme, même très intelligentes et qui ont déjà beaucoup appris, peuvent se trouver en difficulté. Vous pouvez avoir un prix Nobel et ne pas savoir dire bonjour de manière socialement adaptée. Ce sont deux facultés complètement distinctes.
On peut comparer une personne avec autisme qui a appris des codes sociaux à un intermittent du spectacle ou à un comédien. Parce que respecter, appliquer en permanence toutes ces règles a un côté en partie artificiel. Lâimage est intéressante parce quâelle montre également à quel point la personne avec autisme peut sâépuiser à respecter ces codes. Parfois, lorsque je dois prendre le train, on me propose que quelquâun vienne avec moi. Sous-entendu : pour que le voyage soit plus agréable. Mais les gens se rendent rarement compte que, pour moi, il sâagit dâune obligation supplémentaire : pendant la durée du voyage, je serai tenu dâêtre « en représentation », ce qui est une source de stress ou de fatigue en plus.
Le mensonge et la norme sociale
Lâincapacité, ou la très grande difficulté, des personnes avec autisme à mentir est quelque chose de bien connu et de frappant. Certains finissent par apprendre à mentir un petit peu, et parfois les psychiatres célèbrent cela comme un bel événement. Dâautres sont plus en retard, comme moi par exemple. Dans la vie quotidienne, nous sommes obligés, même si on ne se lâavoue pas, dâuser de petits mensonges, comme par exemple « je reviens dans deux minutes », alors que je sais pertinemment que je reviens plus tard ou que je ne reviens pas du tout. Pour une personne avec autisme, il sâagit bien dâun mensonge, même si socialement ce nâest pas vécu de la sorte. Ou alors flatter quelquâun : vous lui dites par exemple que telle ou telle tenue est ravissante, alors quâelle est laide à vos yeux. Certains mensonges sont socialement exigés. Si on ne sây plie pas, on se retrouve dans des postures pénibles.
En ce qui me concerne, jâessaie de naviguer ; avec un peu de réflexion, je pense que lâon peut, dans beaucoup de situations, passer outre le mensonge tout en évitant la situation difficile. Par exemple, il est toujours possible dâéviter de parler de sujets qui sont désagréables pour lâautre personne. Si on me demande de vanter telle ou telle tenue que je trouve laide, et dont je ne peux pas dire quâelle est jolie parce que ce serait mentir, jâessaie de trouver
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