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Je Suis à L'Est !

Je Suis à L'Est !

Titel: Je Suis à L'Est ! Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Josef Schovanec
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Elles sont un paramètre à prendre en compte en plus, c’est tout. Le plus anormal, en somme, ne sont pas les balles qui rebondissent, mais tout le reste de la vie. J’ai lu La Métamorphose assez tardivement. Pourtant, j’aurais pu commencer par ce texte, tant le récit évoque ce qui était ou allait devenir ma situation. Enfin, avec Kafka, j’ai découvert un monde qui m’était familier, mais que je ne connaissais pas, celui de la vieille Europe centrale, disparue à jamais.

    Premiers pas en langues
    Assurément, un intérêt pour les langues est peut-être la dernière chose à laquelle on s’attendait de ma part. Je n’ai d’ailleurs jamais pu comprendre les ouvrages de théoriciens de la langue. On m’a dit que je n’étais pas le seul – maigre consolation. Ai-je une compétence pour ainsi dire de multilinguisme par effet du cadre naturel, un peu comme les heureux habitants de Tunis, Luxembourg, Tallinn et autres Samarkand, qui, même sans la moindre appétence particulière pour les langues, en parlent plusieurs sans même s’en rendre compte ? Une compétence à visée pratique, à savoir pour décoder textes et manuscrits relatifs à ce qui est censé être mon domaine de spécialité ? Une compétence de linguiste-autiste, expert des conjugaisons de l’optatif duel des parlers archaïques des hautes vallées de la Poldévie orientale ? En somme, les langues ne me servent à rien de précis. Dans le cas inverse, je m’en serais sans doute vite lassé.
    L’histoire est assez longue. La langue qui incarne le fil conducteur et reste pour moi une référence mentale, c’est l’allemand. Première langue étrangère apprise, après ma langue maternelle, le tchèque, et le français à l’école, mais jamais de manière méthodique. L’allemand fut la première altérité linguistique à laquelle j’aie été confronté et dans laquelle j’aie été immergé. Peut-être que l’apprentissage des langues, à un moment ou à un autre, inconsciemment peut-être, me renverra à l’allemand ou à des situations que j’ai vécues en lien avec l’allemand.
    Je ne sais pas, de fait, quand et comment j’ai appris cette langue : à l’école, sans doute, mais j’ignore pourquoi ; j’étais un peu en avance sur le programme et donc ne tenais pas ma connaissance de ce dernier ; durant les longues vacances en Suisse peut-être, bien que je n’y aie interagi avec qui que ce soit dans cette langue ni même une autre d’ailleurs ; en Allemagne plus tard, mais cela n’explique pas tout.
    Ã€ l’école, j’ai eu la chance de commencer tôt son apprentissage, au primaire. Je me souviendrai toujours du jour où la prof est venue, bouleversée, disant et répétant à des enfants qui n’y comprenaient sans doute rien que le mur était tombé la nuit précédente. À l’époque, un début précoce en langues n’était pas tellement courant en France. Hélas. En allemand, je regardais à la fin des manuels de classe où les textes deviennent un peu plus longs, et prenais plaisir à les lire, chose pour laquelle je n’avais que peu d’appétence dans d’autres matières. Je devais donc avoir des notions de la langue à six ou sept ans. Avant tout, je crois avoir une certaine représentation mentale de la langue, un fonctionnement mieux en accord avec celui que l’allemand présuppose, dans son rapport à l’espace par exemple, ou encore sa syntaxe.
    L’allemand a également des facettes que je ne soupçonnais pas. Enfant et adolescent, je ne savais pas que, en fait, c’était une langue épurée, pour ne pas dire artificielle, que, en fin de compte, presque personne ne parlait. D’où la fameuse blague sur la manière dont on reconnaît les étrangers en Allemagne : ils sont les seuls à parfaitement bien parler la langue. De mes différents enseignants à l’université allemande, je crois qu’un seul faisait l’effort de parler correctement, un distingué professeur, comte de son état ; il parlait lentement, ne s’embrouillait que rarement, et c’était un délice

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