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Je Suis à L'Est !

Je Suis à L'Est !

Titel: Je Suis à L'Est ! Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Josef Schovanec
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engrenage s’est mis en place. J’ai été fort bien accepté. Je ne m’attendais pas à cela. Les premiers cours, j’avais des lacunes évidentes, puisque mes camarades de classe – je peux enfin utiliser le terme au sens exact – avaient déjà des notions, sinon linguistiques, du moins culturelles. Mais, globalement, nous étions tous débutants, et cheminions ensemble vers de belles découvertes. C’était très intensif, au moins une bonne quinzaine d’heures de cours par semaine, et au moins autant d’heures d’exercices à la maison. Beaucoup de moments de bonheur, et le soir, en sortant du dernier cours, la sensation que les petits neurones se réarrangeaient.
    Quelques années plus tard, j’ai commencé à essayer les matières optionnelles, généralement les plus intéressantes. À nouveau ce glissement vers la marge. Parmi les profs qui m’ont marqué, Daniel Bodi, spécialiste du Moyen-Orient ancien, et ce bien que je ne sois pas d’accord avec toutes ses thèses politiques et sanitaires, notamment quant au rôle du chocolat dans la prise de poids de fin d’année. Avec lui, l’ougaritique, le hittite et autre paléo-araméen ne sont jamais loin. Pour ne rien gâcher, il est également un fin lecteur d’ouvrages de psychologie. Plus tard, j’ai entendu diverses rumeurs de couloir, y compris dans des universités sur d’autres continents, sur sa bizarrerie ; j’y vois un compliment plus qu’autre chose. Ses cours ne servaient à rien d’évaluable, j’y allais donc passionnément.
    Donc, peu à peu, l’appétit venant en mangeant, je commençais à picorer, à manger ailleurs. Et à l’Inalco, les tentations ne manquent pas. Ou plutôt, ne manquaient pas dans les anciens locaux, auxquels des décennies d’usage avaient donné un cachet assez particulier. Par exemple, en marchant dans les couloirs, on croise des étudiants parlant toutes sortes de langues. Quand on fouille les poubelles comme je le fais parfois sur le plan symbolique, il en est de même : à la photocopieuse, quelqu’un avait laissé un jour les premières pages d’un cours d’introduction au pachto, une langue parlée surtout en Afghanistan, un peu au Pakistan aussi. Plus tard, en allant à un cours sur les religions africaines dans un bâtiment où j’avais osé m’aventurer – et qui, réflexion faite, était peut-être celui dont l’ambiance était la plus chouette –, dans le couloir, parmi les emplois du temps affichés, j’avais vu celui d’amharique, l’une des langues modernes d’Éthiopie. Je sus tout de suite que j’allais un jour l’essayer. Un an et demi plus tard, c’était chose faite.
    Plus tard encore – peut-être était-ce pathologique –, j’ai entamé le cursus d’azerbaïdjanais ainsi que celui de vieil éthiopien.
    Je ne suis pas linguiste ; je n’ai jamais fait d’études linguistiques. Si je suis intéressé par les langues, c’est essentiellement pour pouvoir avoir accès à des documents anciens notamment du Moyen-Orient. Ce qui n’exclut pas certains petits écarts, ou certaines découvertes marginales comme le sanskrit classique. Je continue à l’étudier. Et j’ai pu rencontrer des profs hors du commun. Des spécialistes de grammaire sanskrite classique. Ce sont des expériences à vivre ! Mais malheureusement, ce sont les cursus les plus intéressants qui rassemblent le moins d’étudiants. Autant la licence d’anglais est bondée, autant les cours plus atypiques sont vides. Ce qui a ses avantages. On a des cours quasiment particuliers. Donc, je suis toujours éternel étudiant.
    En tout cas, l’Inalco a eu des petits frères. L’un prit la forme du cursus de sanskrit à l’université Paris III, l’unique cursus constitué de France en la matière, que j’ai commencé à suivre. Un autre fut le cours de vieil éthiopien, ou guèze, à l’Université catholique de Paris. Et la liste pourrait être poursuivie ; d’ailleurs, je crois être mentalement incapable de me figurer, à un moment donné, la liste complète des cursus que je suis censé

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