Je Suis à L'Est !
beaucoup plus riche aussi. Bien plus tardivement, jâai rencontré des gens qui partageaient quelque peu ma vision des choses. Comme quoi, je ne suis pas le seul.
Inalco, ou la maison des langues
Ensuite, il y eut un creux avec toutes mes histoires de médocs. Le train des neurones, version à peine modernisée de lâillustre Nef , avait déraillé ; il nâavançait ni ne reculait, mais sâembourbait. Et ce qui mâa en quelque sorte remis sur les rails fut une psychothérapie inhabituelle. Internet prenait à lâépoque son essor en France et il y avait en particulier un site qui mâintriguait, un site tout à fait artisanal à lâépoque : celui de lâInalco, encore appelé « Langues O » â une appellation qui me gêne quelque peu, puisque pour une fois le sigle Inalco est plutôt agréable à lâoreille, et que « Langues O » fait appel à un « O » majuscule, un peu à lâimage de certains patronymes gaéliques, alors même que ces langues sont, sans raison probante, exclues de lâInalco. Quoi quâil en soit, le site, peut-être justement du fait de ses défauts techniques et donc de son allure artisanale, me plaisait. Je mây connectais souvent, lisais et relisais ses quelques textes, consultais la liste des langues proposées, et petit à petit lâidée avait germé dans ma tête de mâinscrire.
Jâétais sûr, au bout dâun moment, que jâallais le faire, mais je ne savais pas pour quelle langue. Au tout début, peu confiant en moi, jâavais envisagé de demander une dispense pour rejoindre une année avancée de tchèque. Puis, je me dis que cela ne me permettrait pas de découvrir assez. Or jâavais besoin de découverte. Faute de pouvoir voyager â câétait un temps où traverser la rue était lâaventure de la semaine pour moi â, jâenvisageais de voyager mentalement.
Le moment de la rentrée approchait, avec les fameuses inscriptions, et je mâétais dit : jây vais ! En faisant le trajet en métro pour y aller, je ressassais les langues dont je mâétais fait une short list .
à lâépoque, je prenais encore quelques comprimés et mes compétences sociales étaient limitées. En faisant le trajet en métro pour y aller, jâavais quatre langues en tête : lâarabe, lâhébreu, le chinois et le japonais. Une fois devant le bâtiment rue de Lille à Paris, stressé, tremblant, bafouillant, je prends ma place dans la longue file dâattente. à mon tour de passer devant lâétudiante qui distribuait les dossiers dâinscription.
Dès que jâai eu le papier dâinscription, je me suis enfui. Pendant des heures, je suis resté bouleversé. Début, comme toujours, dâune nouvelle aventure.
Ami lecteur, je dois faire une confession. Quâon le veuille ou non, la psychanalyse, autrement plus efficace que la CIA dans les filatures de paranoïaques, mâa à nouveau rattrapé. Au moins virtuellement. Ce que je nâallais apprendre que des années plus tard, câest que, rue de Lille, où siégeait lâInalco avant son déménagement, quasiment en face de lâentrée, se trouvait le fameux cabinet de Lacan. Il y a toujours la plaque â ou la planque, je ne sais plus trop. Lâasile, cette fois polyglotte comme dans toute bonne schizophrénie, me guettait à son habitude. Ajoutez-y que quasiment la seule raison pour laquelle nous allions au siège de lâInalco était pour payer chaque année les frais dâinscription ou de réinscription, avec lâargent la boucle est bouclée. Fin des bavardages linguistiques.
Depuis lors, jusquâà ce jour, je suis resté à lâInalco.
Arrivé à mon tout premier cours, je ne savais pas du tout à quoi mâattendre. Je mâétais simplement juré cette fois de faire mon possible pour être en contact avec tout le monde ou presque dans ma classe. Tout en admettant la possibilité de mâêtre lourdement trompé, que lâInalco nâétait pas pour moi, que je nâallais pouvoir y rester, que mes lubies étaient en vérité plus psychotiques que je ne lâadmettais.
Le cours des choses fut tout autre. Un bon
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