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Je Suis à L'Est !

Je Suis à L'Est !

Titel: Je Suis à L'Est ! Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Josef Schovanec
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beaucoup plus riche aussi. Bien plus tardivement, j’ai rencontré des gens qui partageaient quelque peu ma vision des choses. Comme quoi, je ne suis pas le seul.

    Inalco, ou la maison des langues
    Ensuite, il y eut un creux avec toutes mes histoires de médocs. Le train des neurones, version à peine modernisée de l’illustre Nef , avait déraillé ; il n’avançait ni ne reculait, mais s’embourbait. Et ce qui m’a en quelque sorte remis sur les rails fut une psychothérapie inhabituelle. Internet prenait à l’époque son essor en France et il y avait en particulier un site qui m’intriguait, un site tout à fait artisanal à l’époque : celui de l’Inalco, encore appelé « Langues O » – une appellation qui me gêne quelque peu, puisque pour une fois le sigle Inalco est plutôt agréable à l’oreille, et que « Langues O » fait appel à un « O » majuscule, un peu à l’image de certains patronymes gaéliques, alors même que ces langues sont, sans raison probante, exclues de l’Inalco. Quoi qu’il en soit, le site, peut-être justement du fait de ses défauts techniques et donc de son allure artisanale, me plaisait. Je m’y connectais souvent, lisais et relisais ses quelques textes, consultais la liste des langues proposées, et petit à petit l’idée avait germé dans ma tête de m’inscrire.
    J’étais sûr, au bout d’un moment, que j’allais le faire, mais je ne savais pas pour quelle langue. Au tout début, peu confiant en moi, j’avais envisagé de demander une dispense pour rejoindre une année avancée de tchèque. Puis, je me dis que cela ne me permettrait pas de découvrir assez. Or j’avais besoin de découverte. Faute de pouvoir voyager – c’était un temps où traverser la rue était l’aventure de la semaine pour moi –, j’envisageais de voyager mentalement.
    Le moment de la rentrée approchait, avec les fameuses inscriptions, et je m’étais dit : j’y vais ! En faisant le trajet en métro pour y aller, je ressassais les langues dont je m’étais fait une short list .
    Ã€ l’époque, je prenais encore quelques comprimés et mes compétences sociales étaient limitées. En faisant le trajet en métro pour y aller, j’avais quatre langues en tête : l’arabe, l’hébreu, le chinois et le japonais. Une fois devant le bâtiment rue de Lille à Paris, stressé, tremblant, bafouillant, je prends ma place dans la longue file d’attente. À mon tour de passer devant l’étudiante qui distribuait les dossiers d’inscription.
    Dès que j’ai eu le papier d’inscription, je me suis enfui. Pendant des heures, je suis resté bouleversé. Début, comme toujours, d’une nouvelle aventure.
    Ami lecteur, je dois faire une confession. Qu’on le veuille ou non, la psychanalyse, autrement plus efficace que la CIA dans les filatures de paranoïaques, m’a à nouveau rattrapé. Au moins virtuellement. Ce que je n’allais apprendre que des années plus tard, c’est que, rue de Lille, où siégeait l’Inalco avant son déménagement, quasiment en face de l’entrée, se trouvait le fameux cabinet de Lacan. Il y a toujours la plaque – ou la planque, je ne sais plus trop. L’asile, cette fois polyglotte comme dans toute bonne schizophrénie, me guettait à son habitude. Ajoutez-y que quasiment la seule raison pour laquelle nous allions au siège de l’Inalco était pour payer chaque année les frais d’inscription ou de réinscription, avec l’argent la boucle est bouclée. Fin des bavardages linguistiques.
    Depuis lors, jusqu’à ce jour, je suis resté à l’Inalco.
    Arrivé à mon tout premier cours, je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. Je m’étais simplement juré cette fois de faire mon possible pour être en contact avec tout le monde ou presque dans ma classe. Tout en admettant la possibilité de m’être lourdement trompé, que l’Inalco n’était pas pour moi, que je n’allais pouvoir y rester, que mes lubies étaient en vérité plus psychotiques que je ne l’admettais.
    Le cours des choses fut tout autre. Un bon

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