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Je Suis à L'Est !

Je Suis à L'Est !

Titel: Je Suis à L'Est ! Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Josef Schovanec
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dans lesquelles l’autisme, qu’on le veuille ou non, se situe. Il est manifeste, même si jusqu’à présent je n’ai jamais entendu qui que ce soit le dire ainsi, que l’autisme, lorsqu’on le valorise très positivement comme c’est le cas chez une partie des praticiens anglo-saxons, ne saurait être machiste et accorder dramatiquement ses faveurs aux hommes plutôt qu’aux femmes. Les tenants d’une répartition paritaire de l’autisme avancent le concept de la non-détection des filles : les femmes avec autisme soit se fondraient plus facilement dans la masse, soit seraient négligées par les praticiens, soit leur autisme ne serait pas reconnu en tant que tel, avec ses particularités. Je suis bien entendu incapable d’apporter une réponse valable, faute d’éléments ; je ne peux que souligner l’implication dans l’autisme de considérations sociales plus générales. Une preuve, soit dit en passant, de la non-séparation hermétique entre la « planète autiste » et la « planète Terre ». La discussion n’en ouvre pas moins des perspectives intéressantes : l’autisme doit-il être défini en tant que particularité médicale ou en tant que gêne sociale ? En d’autres termes, peut-on être autiste et n’avoir aucun signe distinctif, aucun trouble social, un peu comme la « folie sans signes apparents » de la psychiatrie de l’URSS ? Si l’autisme est avant tout cette petite flamme secrète que nul ne voit, comment peut-on être sûr qu’elle ait été perçue par celui qui a fait le diagnostic ? Quitte à pousser l’argument à l’extrême, l’autisme serait-il une conviction intime, un peu comme le fait de se définir chrétien ? Une telle assertion ferait scandale en France ; elle est pourtant à peu près clairement formulée ainsi par certains aux États-Unis. L’augmentation des prévalences de l’autisme n’y est sans doute pas étrangère.
    Si, à l’inverse, on fait primer le critère social, à savoir les échecs de la personne dans la société, l’autisme deviendra une nouvelle dénomination pour les exclus du système. Le plus troublant est qu’il en est ainsi pour tous les handicaps ou presque : pour des raisons mystérieuses, la prévalence des handicaps, même ceux qui ne sont pas dus au mode de vie et ceux qui sont objectivement quantifiables, est bien plus forte dans les classes sociales défavorisées que l’inverse. Nos catégories conceptuelles ne sont pas étanches et ne sauraient l’être.
    Pour le dire autrement, et de manière quelque peu provocatrice, l’autisme, si on fait primer le critère social, devient corrélé au décalage entre les promesses sociales explicites et la réalité vécue. Si la société promet bonheur, longue vie, santé, bon salaire, et que je n’ai rien de cela, et si l’autisme est défini par le trouble social, comment pourrais-je ne pas être au moins un peu autiste ?
    Ces questions douloureuses ne reçoivent aucune réponse ici, à peine une ébauche. C’est fort regrettable. Mais que faire quand peu les ont abordées ? Il est autrement plus confortable de se barricader derrière l’idée d’une parfaite caractérisation médicale de l’autisme, plutôt que de s’aventurer dans les sables mouvants où l’autisme est reconnu comme miroir de la société, de ses enjeux et de ses problèmes.

    Un lourd passé
    Mais d’où diantre tire-t-il des jugements aussi aberrants ? Telle est peut-être l’interrogation qui en ce moment même vous préoccupe. Elle est légitime. Mais j’en ignore la réponse. Peut-être qu’au sein du récit qui suit vous trouverez les éléments nécessaires à l’analyse de ma psychose infantile, comme on dit parfois, non sans un brin d’ironie.
    Il y a longtemps déjà, alors que quelques comprimés de neuroleptiques traînaient encore dans mon cerveau, une association m’avait demandé de participer à des rencontres autour de l’autisme. La première fois, ce fut particulièrement terrorisant. Quand les autres parlaient, j’étais assis dans un

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