Je suis né un jour bleu
m’encourageait à écrire mon alphabet avec moins de fautes, à coups d’autocollants
de couleur. Je n’ai jamais été gêné ou concerné par le fait d’être à la traîne :
les autres enfants ne faisaient tout simplement pas partie de mon monde.
Deux fois par an, j’allais avec mon père
à l’hôpital pour enfants Westminster de Londres pour un scanner de contrôle de
mon cerveau. Nous nous y rendions en taxi, nous arrivions tôt comme d’habitude,
et nous attendions que ce fut notre tour. J’ai dû passer beaucoup, beaucoup d’heures,
assis dans les salles d’attente des hôpitaux.
Après trois ans, la décision fut prise de
diminuer progressivement mon traitement. Ma mère paniqua à l’idée que l’épilepsie
puisse revenir, bien qu’heureusement je n’aie pas eu de nouvelle crise jusqu’à
aujourd’hui. Les effets secondaires des médicaments disparurent et mes
performances à l’école s’améliorèrent.
~
Les séquelles de mon épilepsie – s’il
y en a eu – sur mon cerveau et son fonctionnement ne sont pas évidentes. Les
crises de mon enfance trouvaient leur origine dans le lobe temporal gauche, et
certains chercheurs suggèrent que les personnes affectées par le syndrome savant
possèdent un hémisphère cérébral gauche déficient qui entraîne une compensation
par l’hémisphère droit. On justifie cette théorie en avançant que les dons le
plus souvent observés chez les « savants », y compris les nombres et
le calcul, sont associés à l’hémisphère droit.
Quoi qu’il en soit, ce n’est pas facile
de déterminer si l’épilepsie est une cause ou un symptôme de cette déficience
de l’hémisphère gauche, et il est possible que les crises de mon enfance soient
venues comme la conséquence d’une déficience plus ancienne, probablement de
naissance.
Pour cette raison, les experts se sont
intéressés à mes capacités de perception pour voir en quoi elles différaient de
celles des autres. Une étude fut menée au Centre de recherche sur l’autisme de
Cambridge, à l’automne 2004. Le Pr Simon Baron-Cohen – spécialiste de la
psychopathologie du développement et le meilleur chercheur en matière de
troubles du spectre autistique – est le directeur de ce centre. L’étude
mit à l’épreuve la théorie de la « faible cohérence centrale », autrement
dit le fait que les autistes s’intéressent aux détails au détriment des informations
globales (le « dessin d’ensemble »), alors que la plupart des gens
contextualisent les informations et négligent souvent les plus petits détails. Par
exemple, des études ont montré que les enfants autistes sont très performants
– et meilleurs que les sujets non-autistes – dans la reconnaissance
de visages familiers lorsque l’on ne leur montre qu’une partie de ce visage sur
des photographies.
La tâche de Navon consiste à identifier
une cible particulière à un niveau local ou global. Dans le cadre de mes tests
au Centre, les scientifiques me demandèrent d’appuyer sur un bouton avec ma
main gauche si je voyais la lettre A et d’appuyer sur un bouton avec ma main
droite si je ne la voyais pas. Les images étaient projetées sur un écran devant
moi et mes réponses étaient mécaniques. À plusieurs reprises, j’appuyai trop rapidement
sur le « non » parce qu’il fallait plusieurs secondes à mon cerveau
pour comprendre que la configuration d’ensemble des lettres formait un grand A.
Les scientifiques appellent ce phénomène « l’interférence » et il est
communément employé pour les illusions d’optique. Pour la plupart des gens, l’interférence
est causée par l’image globale – par exemple quand on leur présente une
lettre H composée de petits A, la plupart des gens ne vont pas immédiatement
voir les A à cause de l’interférence du H. Dans mon cas, comme la plupart des autistes,
l’interférence est inverse et je me bats pour distinguer la figure d’ensemble
parce que mon cerveau se concentre tout de suite sur les détails.
Dans l’illustration ci-dessus, l’image de
gauche montre une lettre A composé de H plus petits. L’image de droite montre
la lettre H, composée de petits A.
~
En Australie, le Pr Alian Snyder – directeur
du Centre du cerveau à l’Université de Sydney – a suscité beaucoup d’intérêt
quand il a prétendu pouvoir simuler les dons des personnes affectées par le
syndrome savant en utilisant une
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