Je suis né un jour bleu
méthode appelée la « stimulation
magnétique transcrânienne » (SMT). La SMT a été utilisée comme outil
médical dans la chirurgie du cerveau, stimulant ou anesthésiant des zones
particulières du cerveau, ce qui permet aux médecins de surveiller les effets
de la chirurgie en temps réel. C’est une technique non invasive qui semble ne
pas avoir d’effets secondaires. Selon le Pr Snyder, les pensées d’un autiste ne
sont pas différentes de celles d’un individu normal. Elles sont seulement une
forme extrême de celles-ci. En inhibant temporairement certaines activités
cérébrales – la capacité de penser contextuellement ou conceptuellement, par
exemple –, la SMT, selon le Pr Snyder, peut être utilisée pour stimuler
certaines parties du cerveau responsables de la collecte des informations
brutes non filtrées. Ce faisant, il espère entraîner le cerveau à percevoir les
choses autrement.
Le professeur utilise une pastille reliée
par des électrodes à une machine TMS. Une clé noire géante est appliquée aux
lobes temporaux, qui envoie des impulsions variables d’énergie magnétique. Certains
« cobayes » de Snyder prétendent avoir temporairement connu des
facilités pour dessiner ou pour analyser un texte. Les dessins d’animaux
étaient plus vivants et plus détaillés, la lecture était plus précise.
La plupart des gens lisent en isolant des
groupes familiers de mots. Pour cette raison, beaucoup ne voient pas les
erreurs d’épellation ou les répétitions. Par exemple :
Un tiens
vaut mieux que deux tu
tu l’auras [4]
En lisant rapidement on ne remarque pas
le second « tu » superflu. Un bénéfice secondaire de la gestion de l’information
par le détail plutôt qu’en globalité est que l’on est très scrupuleux : je
suis par exemple un très bon correcteur. Le dimanche matin, en lisant les pages
du journal sur la table, je relevais pour mes parents les fautes de grammaire
ou d’orthographe. « Pourquoi ne peux-tu pas juste lire le journal comme n’importe
qui ? » s’exclamait finalement ma mère, exaspérée, après que j’ai
relevé une douzaine de fautes dans un article.
Le Pr Snyder soutient que les capacités
exceptionnelles des « savants » sont certainement en chacun de nous
mais que, pour la plupart, nous ne savons pas comment les activer. De même, il
pense que mes crises d’épilepsie ont pu jouer un rôle, comme les impulsions
électromagnétiques de la TMS, en affectant certaines régions de mon cerveau. La
voie aurait été préparée pour mes aptitudes numériques et ma synesthésie.
Il y a des exemples de dons apparus après
une maladie ou une blessure à la tête. Orlando Serrel, pour ne citer que lui, reçut
une balle de baseball en pleine tête à l’âge de 10 ans. Plusieurs mois après, il
commença à rassembler de grandes quantités d’informations – des plaques
minéralogiques, des paroles de chansons, des bulletins météo – qu’il apprenait
par cœur sans effort.
Des transformations similaires ont été
rapportées dans le cas de patients souffrant de démence fronto-temporale (DFT),
une maladie dégénérative du cerveau qui lèse les lobes temporaux et frontal. À
mesure que la maladie progresse, le comportement et la mémoire sont affectés. La
DFT touche le plus souvent des adultes à partir de la quarantaine.
Bruce Miller, un neurologue de l’Université
de Californie à San Francisco, explique que certains de ses patients atteints
de DFT développent spontanément un intérêt et des dons en musique et en art. Les
études ayant recours à l’imagerie cérébrale montrent que, pour ces patients-là,
le flux de sang et l’activité métabolique dans le lobe temporal gauche sont
réduits. Pendant ce temps, l’hémisphère droit du cerveau, siège de la perception
visuelle et de l’espace, est bien mieux préservé.
Il semble que les crises de mon enfance
ont dû jouer un rôle dans la construction de la personne que je suis aujourd’hui.
Beaucoup d’autres ont vécu de la même manière leur expérience de l’épilepsie, comme
Dostoïevski. Ce célèbre écrivain russe du xix e siècle, auteur de Crime et châtiment et Les Frères Karamazov , avait une forme rare d’épilepsie
du lobe temporal appelée « épilepsie extatique ». Les crises de
Dostoïevski intervenaient le plus souvent la nuit et étaient généralisées, affectant
le corps tout entier. Son expérience de la maladie l’a
Weitere Kostenlose Bücher