Je suis né un jour bleu
de la pièce, mais la situation ne
prêtait pas à la lecture. Je baissai la tête et comptai les miettes. Soudain
une porte s’ouvrit et l’on appela mon nom. Je me levai et entrai dans le bureau
en prenant garde de ne pas heurter la pile de magazines qui se trouvait sur mon
chemin. Le bureau avait une grande fenêtre et était très lumineux. Derrière son
bureau, une femme me serra la main et m’invita à prendre place. Elle avait
aussi beaucoup de papiers. Puis vint la question que j’avais le plus espérée :
« Qu’est-ce qui vous fait penser que vous seriez un bon volontaire ? »
Je regardai le sol et pris une grande inspiration en tâchant de me souvenir de
ce qu’avait dit ma mère quant à tout tourner en quelque chose de positif :
« Je peux réfléchir avec beaucoup de prudence devant une situation. Je
peux comprendre et respecter la différence et je suis très curieux d’apprendre. »
D’autres questions suivirent. On me
demanda si j’avais une relation avec quelqu’un qui me manquerait si je partais
à l’étranger (je n’en avais pas) et si je me considérais comme une personne
tolérante aux autres pays et aux autres cultures (je l’étais). On me demanda
également ce que je souhaitais faire comme travail en tant que volontaire, quel
était celui pour lequel je me croyais le meilleur. Je répondis que j’avais
parfois aidé des élèves plus jeunes à travailler leurs langues étrangères et
que je serais ravi d’enseigner l’anglais. La femme sourit et écrivit quelque
chose dans ses notes. Puis elle me demanda ce que je savais de l’Europe de l’Est.
Je dis que j’avais étudié l’histoire de l’Union soviétique à l’école et que je
connaissais le nom de toutes les capitales des différents pays. Elle me coupa
la parole pour me demander si cela me gênerait de vivre dans un pays plus
pauvre. Je restai silencieux quelques instants parce que je n’aimais pas être
interrompu. Puis je levai la tête et dis que cela ne me gênerait pas. J’apporterais
les choses dont j’avais vraiment besoin comme des livres, des vêtements et des
cassettes de musique.
À la fin de l’entretien, la femme se leva
pour me serrer la main. Je serais bientôt informé de leur décision. De retour à
la maison, ma mère me demanda comment ça s’était passé. Je ne savais que
répondre : je n’en avais aucune idée. Quelques semaines plus tard, je
reçus une lettre qui me disait que j’avais réussi l’étape de l’entretien et que
l’on m’attendait dans un centre des Midlands pour une semaine de formation, le
mois suivant. J’étais content d’avoir réussi mais très angoissé aussi parce que
je n’avais jamais voyagé tout seul en train. Un itinéraire était joint à la
lettre, qui expliquait comment se rendre au centre de formation pour ceux qui
venaient en train : je l’appris par cœur, mot à mot, pour me rassurer. Quand
vint le matin du départ, mes parents m’aidèrent à finir mes bagages et mon père
m’accompagna à la gare. Nous fîmes la queue tous les deux pour acheter un
billet et il s’assura que c’était le bon quai avant de me dire au revoir alors
que j’embarquais.
C’était une chaude journée d’été. Dans le
train, l’air était presque absent ou irrespirable. Je trouvai vite une place
près de la fenêtre, sans personne à côté de moi. Je posai mon sac par terre et
le serrai entre mes jambes. Le siège était mou, quasi spongieux, et, quelle que
soit la position, je n’étais pas assis confortablement. Je n’aimais pas le
train. C’était sale, avec sur le sol des emballages vides de sucreries et un
journal froissé sur le siège vide en face de moi. Quand le train s’ébranla, il
y eut un grand bruit : j’eus du mal à me concentrer sur autre chose et je
comptais les éraflures sur la vitre à côté de moi. Petit à petit, le train se
remplit de voyageurs, gare après gare, et je sentais monter l’anxiété à mesure
que leur nombre augmentait autour de moi. La cacophonie des bruits – pages
de magazine, walkmans trop forts, soupirs, conversations à voix haute, ronflements
– me mettait mal à l’aise et je pressais mes mains sur mes oreilles quand
je sentais que ma tête était sur le point d’éclater en mille morceaux.
Quand le train atteignit enfin sa
destination, ce n’était pas trop tôt. J’en ressentis un soulagement certain, mais
je m’inquiétai de mon sens médiocre de l’orientation. J’avais peur
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