Je suis né un jour bleu
cela que pensait l’instructeur), je répondis que je n’avais
absolument rien contre.
Vers la fin de la semaine, nous
assistâmes à une conférence sur les pays d’Europe de l’Est, leur géographie et
leur situation politique. La conférence dura une heure pendant laquelle chacun
était censé prendre des notes. J’écoutais, mais n’écrivais pas. Le conférencier
me demanda à un certain moment pourquoi je ne prenais pas de notes. Je répondis
que je pouvais me souvenir de tout ce qu’il avait dit et que je prenais des
notes mentales, dans ma tête. J’avais toujours fait ainsi, j’avais passé mes examens
à l’école de cette façon. Il me posa plusieurs questions pour me tester et il
ne parvint pas à me prendre en défaut.
De retour à la maison après la formation,
j’attendis la confirmation de mon poste en Lituanie. Je reçus bientôt un paquet
avec des notes, des cartes, des noms, des numéros de téléphone, une
accréditation, le détail de mon poste et mon billet d’avion. Mes parents
étaient très angoissés pour moi et se demandaient si j’allais pouvoir réussir à
vivre loin de la maison, si longtemps. Mais moi, j’étais seulement très excité
à l’idée de faire ce que je considérais comme un grand pas en avant dans ma vie.
J’avais du mal à le croire, mais à presque vingt ans, je déménageai finalement
à mille trois cents kilomètres de chez moi.
~
La république de Lituanie est l’un des
trois pays Baltes, entouré par la Lettonie au nord, le Belarus au sud-est, la
Pologne au sud et l’enclave de Kaliningrad (Russie) au sud-ouest. En 1940, pendant
la Seconde Guerre mondiale, la Lituanie fut annexée par l’Union soviétique. Puis
les Allemands l’envahirent et l’Union soviétique ne la récupéra qu’en 1945. Le
dimanche 11 mars 1990, la Lituanie fut la première république soviétique à
proclamer son indépendance. L’armée soviétique tenta d’y répondre – il y
eut notamment un incident dans l’immeuble de la télévision de Vilnius, qui fit
plusieurs morts dans la population – en vain. En 2004, la Lituanie est
devenue membre à part entière de l’OTAN et de l’Union européenne.
Dans le taxi pour l’aéroport, je
regardais les voitures qui passaient et je les comptais. Ma tête me faisait mal
et je me sentais malade. Je ne pouvais pas croire que je ne verrais pas ma
famille pendant toute une année. Avant de partir, j’avais promis à ma mère de
lui téléphoner toutes les semaines en lui faisant le compte rendu de mes
progrès et de mon alimentation. À l’embarquement, tout était étonnamment calme
– nous étions en octobre et les vacances d’été étaient loin – et je
n’eus pas de problèmes à faire enregistrer mes bagages et à passer les
contrôles de sécurité. Après une longue attente, que je passai à faire les cent
pas et à regarder l’écran qui annonçait les départs, mon vol s’inscrivit enfin
et je courus à la porte d’embarquement pour monter dans l’avion. Il était à
moitié vide, et je ressentis un grand soulagement quand je vis que je n’avais
personne à côté de moi. Je me calai dans mon siège et relus les notes que le
centre de formation m’avait envoyées, m’entraînant à voix basse à prononcer le
nom des gens et des lieux. Personne ne me dérangea pendant le vol et en
arrivant je vérifiai que j’avais bien mon appareil photo : l’hiver allait
venir et j’avais l’intention de beaucoup photographier la neige.
À la douane, il n’y avait pas une longue
file d’attente et les policiers, habillés tout en noir, se contentaient d’observer
les voyageurs. Mon passeport fut contrôlé, tamponné en rouge des mots Lietuvos Respublika (République de Lituanie) et je passai. Après avoir récupéré
mes bagages, je fus accueilli par le coordinateur de l’organisation pour les
pays Baltes qui me conduisit à mon appartement, à Kaunas, la deuxième ville de
Lituanie, au centre du pays.
L’immeuble était en béton et en métal, avec
un jardin potager qu’entretenaient ses habitants
– tous entre 70 ou 80 ans. C’était un quartier calme, loin des grandes
artères et de la circulation. On me présenta au propriétaire, un homme aux
cheveux argentés, Jonas, qui m’expliqua en mauvais anglais les règles de vie de
l’immeuble et comment faire des choses simples – monter ou baisser le
chauffage, par exemple. Il me laissa son numéro de téléphone en cas d’urgence.
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