Je suis né un jour bleu
choisis l’histoire, le français et
l’allemand.
L’un de mes professeurs de français, Mrs.
Cooper, m’aida à organiser mon premier voyage outre-Manche, à Nantes, une ville
côtière sur les bords de la Loire, dans le Nord-Ouest de la France. J’avais 17
ans. Mon professeur connaissait une famille qui fut ravie de m’accueillir et de
faciliter mon séjour. Je n’avais jamais eu besoin de passeport auparavant et je dus m’en procurer en
peu de temps, en plein été. Je me souviens de mon sentiment de grande anxiété à
l’idée de quitter ma famille, de prendre un avion, d’aller dans un autre pays. Mais
j’étais aussi très excité d’avoir l’opportunité de travailler mon français, alors
je fis la part des choses. Pendant dix jours, je fus très bien traité par une
famille qui sut respecter mon intimité quand il le fallait et m’encourager à
utiliser et à pratiquer mon français. Chaque conversation était en français – pendant les matchs de tennis de table, les excursions à la plage, les
longs dîners paresseux de fruits de mer. Je retournai en Angleterre indemne, à
l’exception des coups de soleil dont ma peau sensible eut à souffrir.
Le même été, un garçon allemand, Jens, vint
séjourner dans notre classe pour améliorer son anglais. Comme j’étais le seul à
pouvoir parler allemand, il s’asseyait près de moi pendant les cours et m’accompagnait
partout. J’aimais avoir quelqu’un à qui parler et avec qui passer le temps
pendant les pauses. Nous parlions un mélange d’anglais et d’allemand. Jens m’apprit
beaucoup de mots modernes en allemand que je n’avais jamais lus ou vus, comme Handy pour téléphone portable, par exemple, et Glotze pour le meuble
de télévision. Après son retour en Allemagne, nous restâmes en contact par
e-mail. Il m’écrivait en anglais et je répondais en allemand.
L’adolescence fut pour moi une
métamorphose : je grandis beaucoup et ma voix mua. Mes parents m’apprirent
l’usage d’un déodorant et d’un rasoir. Je trouvais ce dernier difficile à
manier et je laissais souvent mon duvet pousser librement. La ruée des hormones
affecta la façon dont je voyais les gens autour de moi, dont je ressentais leur
présence. Je ne comprenais pas les émotions. C’étaient des choses qui m’arrivaient,
c’est tout, venant de nulle part. Tout ce que je savais, c’est que je voulais
être proche de quelqu’un. Et comme je ne comprenais pas que cette proximité
était avant tout émotionnelle, j’allais vers un étudiant dans la cour et je me
tenais le plus près possible de lui, au point de sentir la chaleur de son corps
sur ma peau. Je n’avais toujours pas l’idée de ce que pouvait être un périmètre
intime et je ne saisissais pas pourquoi cela mettait les gens mal à l’aise.
Dès l’âge de 11 ans, je sus que les
garçons m’attiraient, bien que ce ne soit que plusieurs années plus tard que je
commençai à me considérer comme « gay ». Les autres garçons de ma
classe étaient intéressés par les filles et en parlaient beaucoup, ce qui
renforçait encore et toujours mon sentiment d’étrangeté – j’étais déjà
plus que conscient que mon monde était différent du leur. Je n’ai jamais ressenti
le moindre embarras en ce qui concerne mes sentiments parce que ce n’était pas
un choix. Ils étaient spontanés et aussi réels que les changements physiques de
la puberté. Toute mon adolescence, j’ai souffert de ne pas avoir confiance en
moi, à cause des moqueries dont j’étais l’objet, et de mon incapacité à parler
et à agir naturellement avec mes camarades – de sorte que la séduction ne
m’apparaissait pas possible. Les cours d’éducation sexuelle ne m’avaient jamais
intéressé et n’abordaient pas les émotions que j’éprouvais.
J’avais connu mon premier coup de foudre
à 16 ans, après être entré en première. Ma classe était réduite, seulement une
douzaine d’étudiants, dont un nouveau, un garçon qui avait récemment déménagé
et qui avait, comme moi, choisi l’option « histoire ». Il était grand,
il avait de l’assurance, il s’intégrait facilement en dépit de son arrivée
récente au lycée, c’était tout mon contraire. Le simple fait de le regarder me
rendait bizarre : ma bouche s’asséchait, mon estomac se nouait et mon cœur
se mettait à battre très vite. Sans compter que le voir m’empêchait de me
concentrer sur les cours. Et quand
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