Je suis né un jour bleu
il était en retard, je n’étais pas plus
concentré, je n’attendais qu’une chose : qu’il entre dans la classe.
Un jour, je le vis en train de lire à la
bibliothèque du lycée et je m’assis à côté de lui. J’étais tellement nerveux
que j’en oubliai de me présenter. Heureusement il me reconnut et continua tout
simplement de lire. Je restai assis là, incapable de parler, pendant un quart d’heure,
jusqu’à ce que la sonnerie retentisse, qu’il se lève et s’en aille. J’eus plus
tard l’idée que si je l’aidais en histoire, ce pourrait être un moyen de faire
sa connaissance. J’écrivis des pages et des pages de notes sur les cours du
mois précédent et je les lui donnai lorsque je le revis à la bibliothèque. Surpris,
il me demanda pourquoi j’avais fait cela. Je lui répondis que je voulais l’aider
parce qu’il était nouveau. Il accepta mes notes et me remercia. J’en écrivis d’autres,
qu’il n’accepta que parce que je lui affirmai que cela ne m’avait pas posé de
problème. Cependant, à aucun moment il ne me parlait comme à un ami ou ne
recherchait ma compagnie. Bientôt, comme la situation me rendait nerveux, je
lui écrivis un mot très court pour lui expliquer ce que je ressentais, et je le
lui donnai. Je quittai aussitôt la pièce, incapable de rester pendant qu’il
lisait mes pensées les plus secrètes. Plus tard, à la fin de la journée, alors
que je me dirigeais vers les grilles du lycée, je le vis au milieu de l’allée, attendant
et guettant quelqu’un. Très mal à l’aise, je voulus tourner les talons et
courir, mais c’était trop tard : il m’avait vu. Nous restâmes debout tous
les deux dans l’allée, pendant un bref moment de bonheur où il semblait qu’il
était entré dans mon monde. Il me tendit mon mot et me dit, simplement et
gentiment, qu’il ne pouvait pas être la personne que je voulais qu’il soit. Il
n’était pas en colère ou énervé, et ne s’enfuit pas. Il attendait patiemment, en
me regardant. Finalement, je baissai la tête et m’en allai.
De retour à la maison, je fis ce que je
faisais toujours dans les moments de tristesse et d’indécision : j’écoutai
ma musique préférée, ce qui m’apaisait toujours. Mon groupe préféré était les
Carpenters, mais j’écoutais aussi beaucoup d’autres musiques comme Alison Moyet
ou les Beach Boys. La répétition ne me dérangeait pas, et parfois je me repassais
le même morceau une centaine de fois sur mon walkman, pendant des heures.
Mes dernières années de scolarité furent
difficiles, mais pour d’autres raisons. Le changement dans la manière dont les
cours étaient organisés, et dont les matières étaient étudiées, fut un choc
pour moi. En histoire, les thèmes que je connaissais depuis deux ans avaient
été remplacés par d’autres, sans aucun rapport avec les précédents et qui ne m’intéressaient
pas du tout. La quantité de travail écrit exigée augmenta considérablement. J’eus
beaucoup de peine à en venir à bout. Pourtant ma relation avec le professeur d’histoire,
Mr. Sexton, était très bonne, bien meilleure qu’avec mes camarades. Il respectait
mon amour de la matière et appréciait nos discussions après la classe sur les
sujets qui me plaisaient le plus. La flexibilité des deux dernières années de
lycée me permettait aussi d’étudier plus à ma façon. Les classes étaient plus
petites et plus spécialisées. À la fin de ces deux ans, pourtant, je me sentais
épuisé et malheureux. Malgré ma réussite aux examens finaux, je ne parvenais
pas à répondre à la question que je me posais continuellement en ce temps-là :
Et maintenant ?
7
UN BILLET POUR KAUNAS
Mes parents avaient toujours espéré que j’irais
à l’Université. Ils m’avaient résolument soutenu pendant mes études et étaient
fiers de mes succès scolaires. Mon père comme ma mère avaient quitté l’école
sans qualification. Personne dans la famille n’avait fait d’études supérieures.
Or l’idée d’aller à l’Université me mettait mal à l’aise. Bien que j’aie travaillé
dur, je me sentais toujours aussi emprunté et gêné en société. J’en avais aussi
assez d’une classe et je voulais quelque chose de neuf, un défi. Cependant, comme
beaucoup d’adolescents de 18 ans, je n’avais pas d’idée claire de ce que cela
pouvait être. Quand je dis à ma mère que j’avais décidé de ne pas aller à
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