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Je suis né un jour bleu

Je suis né un jour bleu

Titel: Je suis né un jour bleu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Tammet
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café, puis chacun s’asseyait
sur des chaises ou dans le canapé et commençait à parler en anglais de tout et
de rien. Un soir, Birute nous montra des diapos de ses vacances et le groupe
discuta de ses propres expériences de voyages.
    Fréquemment, les femmes de mon cours et
du centre me demandaient si j’avais des amis de mon âge. La déléguée de Liuda, Inga,
me présenta à son neveu, qui avait trois ans de moins que moi, et nous
encouragea à nous fréquenter. Peter parlait bien anglais, il était plutôt
timide et très poli. Nous allâmes au cinéma ensemble voir des films américains.
Quand le son était trop fort, je me bouchais les oreilles, ce qu’il n’a jamais
semblé remarquer.
    Il y avait d’autres volontaires anglais
dans le pays et nous étions incités à garder contact pour avoir du soutien en
cas de besoin. Un autre volontaire, Vikram, avait terminé un diplôme de droit à
l’Université avant de se rendre compte qu’il ne voulait pas être avocat. Nous n’avions
pas grand-chose en commun  – il parlait beaucoup de football et de rock, et
d’autres thèmes qui ne m’intéressaient pas  – et nos conversations étaient
souvent ponctuées de longues périodes de silence. J’ai toujours trouvé très
difficile de soutenir une conversation sur un sujet qui m’ennuie, comme si les
mots ne voulaient pas sortir.
    Denise, une autre volontaire, était une
grande femme mince, galloise, d’une trentaine d’années, très énergique dans ses
actes et ses paroles. Elle habitait à Vilnius et invita un jour les volontaires
de Kaunas à venir visiter la ville. Nous voyageâmes en bus  – je me mis
tout au fond pour ne pas être cerné par les passagers  – jusqu’à la
capitale, pendant une heure cahotante. Vilnius était très différente de Kaunas
 – les gens y marchaient plus vite et on y voyait beaucoup de
constructions récentes en métal et en verre qui brillaient. L’appartement de
Denise était propre et peint de couleurs vives, avec du parquet. Les chaises de
la cuisine étaient en bois avec des dossiers arrondis comme des collines. J’aimais
passer ma main dessus, ils avaient une texture légèrement grumeleuse et toilée.
Nous bûmes du thé et mangeâmes des gâteaux, en regardant les photos que Denise
avait prises jusque-là. J’aimais la manière qu’avaient les autres volontaires
de m’encourager à participer à leurs conversations, sans jamais me montrer que
j’étais différent. Les volontaires avaient chacun leur propre personnalité et
étaient tous très ouverts et très amicaux.
    La volontaire la plus expérimentée était
une femme anglo-indienne, Gurcharan. Elle avait des cheveux épais et bouclés, et
portait des saris de couleur vive. Son appartement était proche du mien à
Kaunas et elle venait régulièrement avec des sacs remplis de linge pour
utiliser ma machine à laver. En retour, Gurcharan m’invitait à son appartement
après les cours, pour manger et discuter. Les murs des pièces étaient tous décorés
de photos d’Inde et la table du salon était couverte de bougies et de bâtons d’encens.
Gurcharan parlait très vite et parfois je la trouvais difficile à suivre. Elle
était très ouverte et me parlait beaucoup de sa vie personnelle pour m’inciter
à faire de même. Je n’avais pas de vie personnelle et je ne savais pas quoi
dire. Quand elle me demanda si j’avais une petite amie, j’ai dû rougir car elle
me demanda juste après si j’étais gay. D’une certaine façon, la succession
rapide des questions avait quelque chose d’intrusif, comme le plic-ploc continu
de la pluie sur mon crâne, et il me fallut du temps pour lui répondre. Elle me
sourit en retour et me demanda si j’avais des amis gays. Je secouai encore une
fois la tête.
    Dans l’une des brochures que le centre
avait remises aux volontaires avant le départ, il avait une liste de numéros
utiles que je gardais près de mon téléphone. Ma conversation avec Gurcharan me
poussa à appeler l’un des numéros, celui d’une association gay en Lituanie, et
à prendre rendez-vous avec l’un de ses membres, à l’extérieur de la ville, après
ma journée de travail. J’étais fatigué de ne pas savoir qui j’étais, de ce sentiment
d’être déconnecté d’une partie de moi dont j’avais eu conscience très tôt. Ce
coup de fil fut l’une des décisions les plus importantes de ma vie. Le
lendemain, pendant mes cours, je sentais mon pouls qui battait et

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