Je suis né un jour bleu
créé le mot biplées pour parler d’elles, partant
du fait qu’une bicyclette a deux roues et un tricycle trois, et que l’on dit de
trois enfants nés en même temps que ce sont des triplés. Un autre de mes
néologismes d’enfance est le mot pramble qui signifie partir pour une
longue balade ( ramble) avec un enfant dans un landeau (pram ), ce
que mes parents faisaient souvent.
Enfant, j’ai bricolé pendant plusieurs
années ma propre langue, c’était comme une façon de remédier à la solitude que
je ressentais souvent et de trouver des mots pour exprimer mes expériences
particulières. Parfois, quand je ressentais une émotion particulièrement forte
ou que je faisais l’expérience de quelque chose d’extrêmement beau, un nouveau
mot se formait spontanément dans mon esprit pour l’exprimer, et je ne savais
pas d’où il pouvait bien venir. A contrario, j’ai souvent trouvé la langue de
mes camarades déroutante et discordante. Régulièrement, on s’est moqué de moi
parce que je parlais par longues phrases prudentes et exagérément formelles. Quand
j’essayais d’utiliser l’un de mes mots inventés dans la conversation, pour
exprimer quelque chose que je ressentais ou dont j’avais l’expérience intime, il
était rarement compris. Mes parents me dissuadèrent de « parler de drôle
de manière ».
J’ai continué de rêver au jour où je
parlerais une langue bien à moi, que je ne serais pas raillé ou repris et que
cela exprimerait exactement quelque chose de moi-même. Après avoir quitté l’école,
j’ai découvert que j’avais le temps d’approfondir vraiment ce rêve. J’ai écrit
les mots comme ils me venaient, sur des bouts de papier, et j’ai testé
différentes méthodes de prononciation et de syntaxe. J’ai nommé ma langue le M ä nti (prononcer « maenn-ti ») d’après
le mot finnois m ä nty , le pin. Les pins
sont courants dans l’hémisphère Nord et particulièrement répandus dans certaines
régions scandinaves et baltiques. Un grand nombre de mots que j’utilise en M ä nti sont d’origine scandinave ou balte. Il y a une autre raison au
choix de ce nom : les pins croissent souvent en groupes nombreux et
symbolisent l’amitié et la communauté.
Le M ä nti est un
projet encore en développement, avec une grammaire et un vocabulaire de plus de
mille mots. Plusieurs linguistes se sont intéressés au M ä nti, pensant que cela pourrait les aider à comprendre mon talent
pour les langues.
L’une des choses que j’aime le plus quand
je joue avec le langage, c’est la création de nouveaux mots et de nouvelles
idées. J’essaye d’inventer en M ä nti des mots qui
établissent d’autres liens entre les choses : hamma (dent) et hemme (fourmi – un insecte qui mord), rât (fil électrique) et râtio (radio), par exemple.
Les mots composés sont courants en M ä nti : puhekello (téléphone, littéralement « parle-sonnerie »), ilmal ã v (avion, littéralement « air-vaisseau »), tontöö (musique, littéralement « tonal-art ») et r ã talö (Parlement, littéralement « discussion-lieu »),
par exemple.
Les abstractions s’expriment de manière
variée en M ä nti. On peut créer un mot composé qui les
décrive : le « retard » ou le « délai » se traduit par kellokült (littéralement « horloge-dette »). Une autre méthode
consiste à utiliser des paires de mots comme dans les langues finno-ougriennes
telles que l’estonien. Pour un mot comme diary (produit laitier), l’équivalent
M ä nti est pîmat kermat (crème de lait) et pour footwear (magasin de chaussures), kœt saapat (chaussures bottes).
Bien que le M ä nti
soit très différent de l’anglais, il y a un certain nombre de mots que les
anglophones peuvent reconnaître : nekka (« neck », le cou), kuppi (« cup », la tasse), pursi (« wallet »
ou « purse », le portefeuille ou le porte-monnaie), nöö t (« night »,
la nuit) et pêpi (« baby », le bébé), par exemple.
Le M ä nti existe
telle une expression tangible et communicable de mon intimité. Chaque mot, resplendissant
dans sa couleur et sa texture, est pour moi comme une œuvre d’art. Quand je
pense ou que je parle en M ä nti, c’est comme si j’étais
en train de peindre avec des mots.
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UNE TRÈS GROSSE PART DE PI [20]
J’ai appris l’existence du nombre pi
pendant mes cours de maths, à l’école. Pi – le rapport constant de
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