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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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– et c’étaient des Armagnacs. Mais il n’y avait pas un seul Bourguignon. Tous les gentilshommes de sa maison, et tous ceux qui, sans lui appartenir, lui étaient dévoués, étaient massés dans l’hôtel de Bourgogne, ou attendaient chez eux le mot d’ordre. Rien, dans l’Hôtel Saint-Pol, ne pouvait inspirer le moindre soupçon contre Jean sans Peur.
    Les regards du duc de Bourgogne étaient fixés sur les fenêtres lointaines de l’aile que n’habitait pas le roi. Et derrière ces fenêtres, ce qu’il espérait entrevoir vaguement, silhouette imperceptible pour tout autre, c’était Odette de Champdivers. Une rumeur qui s’éleva derrière lui, soudain, le fit se retourner tout d’une pièce, et il tressaillit, et il eut un long soupir.
    C’était Passavant !…
    C’était la première victoire. Instantanément, Jean de Bourgogne reprit cette attitude d’assurance et d’orgueil qui faisait si redoutable son aspect. Passavant, porté sur les épaules des gens d’Ocquetonville, bien garrotté, désarmé, d’ailleurs, franchit la grand’porte en se disant avec une mélancolie narquoise :
    – Bon ! Et moi qui, depuis huit jours, cherchais le moyen d’entrer à l’Hôtel Saint-Pol !…
    On le déposa devant le duc de Bourgogne. On le délia. Il se secoua, se détira, sourit, et se tournant, la figure changée, vers Scas et Ocquetonville :
    – N’oubliez pas ceci : Guines et Courteheuse vous attendent !
    Les deux Bourguignons haussèrent les épaules, mais leurs cœurs tremblèrent. Scas s’avança vers son maître :
    – Monseigneur, voici l’homme, pris en flagrant état de rébellion.
    – C’est pour embellir son affaire devant l’Official, dit Ocquetonville.
    Jean sans Peur et Passavant étaient face à face dans un grand cercle de gens d’armes. Le duc, une minute, considéra le jeune homme avec cette rudesse dédaigneuse qui faisait trembler tant de gens. Il dit :
    – C’est vous qui avez tué Guines ?
    – D’un coup au cœur, dit Passavant. Il est mort en brave.
    – C’est vous qui avez tué Courteheuse ?
    – D’un coup au cœur. Celui-là aussi est mort en brave. Mais ces deux-là…
    Il se tourna vers Scas et Ocquetonville et les toisa :
    – Ces deux-là mourront en lâches, mais ils mourront d’un coup au cœur, de la main qui a tué Guines et Courteheuse.
    Les deux Bourguignons grincèrent des dents et s’avancèrent.
    – Arrière ! commanda le duc. C’est vous… c’est vous qui avez tué mon bien-aimé cousin d’Orléans ?
    Passavant se rapprocha de Jean de Bourgogne, et, dans la figure, lui parla à voix basse. On vit pâlir le duc. On vit ses mains trembler. On le vit jeter autour de lui des yeux hagards. Passavant disait :
    – J’ai tué Guines devant le perron de l’hôtel Passavant où lui et les siens étaient venus me meurtrir. J’ai tué Courteheuse dans les caves où vous veniez, vous, de conspirer contre la vie du roi votre cousin et votre maître. N’ayez pas peur : je ne vous dénoncerai pas. Mais quant au noble duc d’Orléans, contre lequel vous me vouliez lancer, c’est vous qui l’avez tué. Je ne parle pas de ces gens qui sont ici. Ils ne furent que la hache qui frappe. Vous fûtes, vous, le bras du bourreau qui manie cette hache. Ne tremblez donc pas : je ne vous dénoncerai pas. Mais prenez garde ! Aussi vrai que je tuerai Scas et Ocquetonville d’un coup au cœur, je puis vous anéantir, vous… car vous le savez… il y a un témoin… et ce témoin de ce que vous avez fait jadis, ce témoin c’est moi !…
    – Qu’on l’amène ! rugit Jean sans Peur.
    – Où cela ? s’empressèrent Ocquetonville et Scas.
    – Eh ! cria Passavant dans un éclat de rire, là même où monseigneur, voici de cela douze ans et plus, a fait jeter le témoin : à la Huidelonne !…
    Jean sans Peur approuva d’un rude signe de tête, et le chevalier, entouré d’une vingtaine de gardes, se mit à marcher de bonne volonté. Il songeait : « Il paraît décidément que je suis le témoin. Mais je veux être écorché vif si je sais de quoi je suis le témoin ! » Quelques minutes plus tard, il était enfermé dans l’un de ces cachots souterrains du deuxième étage où le geôlier lui avait jadis assuré que les prisonniers vivaient rarement plus de six mois. Jean sans Peur l’avait suivi des yeux tant qu’il avait pu le voir.
    À ce moment, le pont, qui avait été levé pour opposer un obstacle à

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