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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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connais quelqu’un qui ne peut pas me refuser de m’aider à gagner ma pauvre vie et qui, lui, vous fera entrer où vous voudrez…
    – Allons ! dit Tanneguy en se levant.
    – Les écus d’abord ! dit l’homme.
    Du Chatel monta à la chambre que si joyeusement il avait partagée avec Passavant, donna un soupir de regret aux souvenirs que cette chambre évoqua en lui, et redescendit avec les dix écus.
    – C’est tout ce qui me reste, songea-t-il, mais je les reprendrai sur la dot de Roselys !…
    Il se mit donc en route, escorté du personnage qui le guidait.
    – Où me mènes-tu ? demanda-t-il.
    – Dans la Cité, répondit l’homme.
    – Hum !… Et qui es-tu ?… Que fais-tu ?…
    L’homme eut un bizarre sourire et un regard de travers sur son compagnon. Tout en marchant, il expliqua :
    – Qui je suis ? Du diable si je le sais, et mon nom je l’ai oublié, si tant est que j’en aie jamais eu un. Quant à mon état, je fais profession de jouer ma vie contre un peu d’or toutes les fois qu’il y a aux Fourches de la Grève un beau pendu, solide gaillard qui ne demandait qu’à vivre. Vous ne comprenez pas ?
    – Non, par la damnation de ton âme, mais je suppose…
    – Ne supposez rien. J’arrive à la nuit noire sur la Grève, escorté d’un ou deux compagnons qui sont mes aides et que je paie. Je décroche le pendu… et je le porte à l’homme de la Cité. Qu’en fait-il ? Je ne le sais, et ne veux point le savoir. Il paie largement, voilà tout.
    – L’homme de la Cité ? fit Tanneguy avec une sourde inquiétude.
    – Oui. Celui chez qui nous allons. Si quelqu’un au monde peut vous introduire dans l’Hôtel Saint-Pol, c’est lui, ou Dieu me damne.
    – Mais s’il refuse ?
    – Pas de danger ! Il a trop peur d’être dénoncé au prévôt ! Mais aussi pourquoi depuis plus de quinze jours ne m’a-t-il pas employé ? Vos écus m’eussent été inutiles. Nous y voici.
    – Quoi ? fit Tanneguy.
    – C’est ici, dit l’homme. Vous n’avez donc jamais ouï parler de Saïtano ?
    – Le logis du sorcier ! murmura Tanneguy, qui venait de reconnaître la maison devant laquelle il avait attendu Passavant. Eh bien ! oui, celui-là me conduira !

XVII – DISPOSITIF DE COMBAT
    Jean sans Peur attendait dans l’Hôtel Saint-Pol, près de la grand’porte. C’est là qu’il avait donné l’ordre d’amener le chevalier de Passavant. Cette fois, la capture était assurée. Depuis quelques jours, le chevalier était étroitement surveillé. Scas et Ocquetonville étaient prêts à agir. Ils venaient de lui mander que, dans la journée, Passavant serait pris. Jean de Bourgogne attendait. Il voyait à cette capture un profit immense, la fortune, la gloire, la puissance, et sa propre vie assurée.
    Il faut l’indiquer ici en quelques mots :
    Jean de Bourgogne était aux abois. La reine lui semblait condamnée à l’impuissance. Activement, les Armagnacs travaillaient contre lui à la cour et dans la ville. Presque ouvertement, il était accusé du meurtre de Louis d’Orléans. Le réseau des preuves se resserrait. L’inéluctable nécessité d’agir, d’agir vite ! s’imposait à cet homme, et il songeait :
    – Passavant pris, c’est la condamnation et l’exécution de l’assassin du duc d’Orléans. C’est donc mon innocence établie avec éclat. Passavant pris et condamné, c’est la reine qui me revient et reprend confiance en moi, puisque je suis alors le seul homme qui puisse occuper sa pensée. Passavant livré par moi aux juges, c’est le roi qui me croit son sauveur. Passavant mort, c’est Odette qui se tourne vers moi…
    Il eut une longue méditation, et murmura :
    – Le sorcier a tenu ses promesses. Cette fille qui me haïssait n’a plus pourmoi que des regards de tendresse à peine voilés… de la pitié, dirait-on parfois. Pourquoi la dernière promesse du sorcier ne se réaliserait-elle pas ?… Je n’ai qu’à dire à Odette : Je sais qui vous êtes… et Odette me suivra. Enfer ! Pourquoi ne l’ai-je pas dit encore ? Pourquoi la seule vue de cette enfant me fait-elle trembler ?…
    Il cessa de regarder vers la rue Saint-Antoine et, se tournant du côté du palais du roi, jeta un long regard sur le vaste ensemble de l’Hôtel Saint-Pol. Passaient de nombreux gentilshommes dont les uns le saluaient avec déférence – et ceux-là étaient des partisans du duc de Berry – les autres le toisaient avec insolence

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