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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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sorcier ? fit celui-ci.
    – Oui, seigneur, dit Saïtano en prenant place sur un escabeau.
    – Pourquoi diable tenez-vous votre tête en arrière ? On dirait que votre manteau vous fait peur ?… Qu’importe, au surplus. Puisque vous êtes sorcier, vous devrez savoir ce qui m’amène.
    – Ce n’est pas difficile dit froidement le sorcier. Vous venez du château de Mgr le duc d’Orléans, et vous me dites que vous voulez me demander compte de certain mensonge. C’est donc évident pour moi : vous avez appris que Roselys fut recueillie non par la reine, mais par la bonne duchesse Valentine ; vous avez appris en outre que Roselys n’est pas morte.
    Le chevalier fronça les sourcils. Son terrible sourire d’ironie menaçante reparut au coin des lèvres.
    – Pourquoi avez-vous menti ? demanda-t-il.
    – Parce que j’avais alors intérêt à mentir, croyant que vous étiez vivant et que vous persistiez à vivre.
    Le même frisson que tout à l’heure agita Passavant. Il renifla l’air, qui lui parut contenir un vague parfum. S’il eût cherché un nom à ce parfum, il l’eût appelé le parfum de l’Horreur.
    – Ah ! ah ! fit-il en se raidissant, vous m’avez cru vivant ? Et pour cela vous avez menti ? Cette nuit, vous ne mentez plus… C’est donc…
    – C’est que j’ai vu qui vous êtes, seigneur chevalier.
    – Et qui suis-je ?
    – Vous êtes le mort, dit Saïtano avec une affreuse tranquillité. Vous êtes le mort qu’attendent les trois vivants, avec impatience, j’ose l’assurer.
    Cette fois, cette vague terreur qui s’était infiltrée dans l’esprit de Passavant plus encore par réminiscence de la scène d’autrefois que par l’attitude actuelle de Saïtano, ce sentiment disparut et le chevalier n’éprouva plus qu’une colère blanche. Il se leva, fit un pas sur Saïtano, et gronda :
    – Je t’ai pardonné d’avoir voulu me tuer sur la table de marbre, mais ton hideux mensonge, tu vas le payer.
    Saïtano ne perdait pas de vue le chevalier et suivait chacun de ses mouvements avec une froide attention.
    – Je suis coupable, dit-il. Je dois payer, c’est juste. Mais comment ?
    – Te tuer, dit le chevalier d’un ton où pétillait une sorte de gaieté vraiment étrange à ce moment, ce serait te faire trop d’honneur. Et puis, vois-tu, de savoir Roselys vivante, cela m’ôte le courage des résolutions décisives. Tout simplement, je vais te couper les oreilles.
    En disant ces mots, le chevalier marcha sur Saïtano avec l’évidente intention de mettre sa menace à exécution. À ce moment, Saïtano bondit sur lui et lui sauta à la gorge. Passavant eut un rire mortel.
    – Par dieu, cria-t-il, je t’aime mieux ainsi, au moins, je n’aurai pas de remords.
    Et il se mit à serrer dans ses bras nerveux le corps fluet du sorcier. Presque aussitôt, il sentit que son étreinte faiblissait, que ses jambes chancelaient ; une vapeur noire s’appesantit sur ses yeux, une sueur glacée pointa à la racine de ses cheveux. Saïtano n’avait pas fait un mouvement de défense, il se laissait étouffer. Tout son effort, toute sa vigueur, il les employait à maintenir sur la bouche de Passavant le chiffon de linge.
    Quelques secondes suffirent. Le chevalier essaya de se débattre, de respirer, mais plus il aspirait les vapeurs que dégageait le linge, plus il se sentait faible. Il lui parut tout à coup qu’il tombait d’une hauteur vertigineuse, il ferma les yeux, et ce fut fini.
    Saïtano, suant et grondant, se redressa, terrible.
    Alors il appela Gérande.
    – Et vite, lui dit-il. Aide-moi à le porter sur la table de marbre.
    Il souleva le chevalier par les épaules, Gérande le prit par les jambes. À eux deux ils le portèrent. Bientôt le « mort »reprit sa place sur la table.
    – Il en a pour une heure à dormir, dit Saïtano. C’est plus de temps qu’il n’en faut pour avoir ici un mort violemment trépassé sans effusion de sang.
    Bruscaille, Bragaille et Brancaillon avaient vu cela. Tout de suite ils reconnurent le chevalier. Alors leurs cheveux se dressèrent, leurs bouches se tordirent dans le cri d’agonie, leurs yeux reflétèrent l’épouvante qui submergeait leurs âmes.
    – Quelles clameurs ! grelotta Gérande en se sauvant.
    Saïtano se frotta joyeusement les mains. Il cria :
    – Hé ! Qu’avez-vous à geindre ? N’êtes-vous pas contents ? Allons, mes braves, taisez-vous ! Nous sommes au complet, car voici,

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