Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
Vom Netzwerk:
attendu.
    Bois-Redon était mort.
    Saïtano se tordit les mains. Il se mit à rugir des imprécations. Il tomba sur ses genoux, sanglotant, hurlant, se roula sur les dalles contre lesquelles il frappa sa tête – et alors, à ce bruit de funèbre douleur, à ces cris de désespérance inapaisable, la porte s’ouvrit. Gérande parut. Elle jeta un coup d’œil de mépris sur le savant abîmé dans le vertige de l’affreuse déception – puis ce regard rebondit sur le cadavre de Bois-Redon, et alors, Gérande poussa une déchirante clameur d’épouvante.
    Ce fut un tel cri d’horreur que Saïtano se redressa d’un bond, s’avança sur Gérande et, d’une voix sauvage, hurla :
    – Que veux-tu ? Que fais-tu ici ? Dehors ! Va-t-en !
    Gérande ne s’en allait pas, n’entendait pas peut-être. De sa main tendue, elle désignait le cadavre de la table, cadavre elle-même en apparence, avec son visage décomposé, ses yeux ternes, sa bouche tordue.
    – Quoi ! rugit Saïtano. Qu’y a-t-il ?
    Elle ne répondit pas, demeura toute raide, avec le même geste de montrer la table. Saïtano se retourna, fut secoué d’un violent frisson, et d’un bond il fut à la table, en proie cette fois au délire de la joie et du mystère…
    Bois-Redon palpitait !…
    Des secousses nerveuses agitaient ses membres !…
    Sa main droite faisait un évident effort pour se lever… les yeux ouverts jusque-là s’étaient fermés… un frisson courait à fleur de peau sur le visage… Tous les signes de la vie étaient là, visibles, indéniables, et Saïtano, un moment, ferma lui-même les yeux, comme ébloui par quelque étincelante fulguration de vérité…
    La vie ! oui, la vie, s’agitait dans ce cadavre !…
    Quelques minutes, Saïtano fut réduit à l’impuissance, la pensée sombrée dans l’effroi de son propre ouvrage, puis, par un titanesque effort de volonté, il parvint à se calmer. Lorsqu’il eut reconquis le sang-froid nécessaire, il courut à l’armoire, saisit une minuscule fiole, la déboucha avec précaution et en versa une goutte, une seule, sur la langue de Bois-Redon.
    L’effet fut prodigieux…
    Bois-Redon se raidit, se souleva en arc, posé sur la tête et les pieds, et quelque chose comme un son vague râla dans sa gorge.
    – Il parle ! gronda Saïtano affolé. Il veut parler ! Il va parler !…
    Brusquement, le corps s’affaissa, redevint cadavre absolument immobile. Mais les lèvres continuaient à s’agiter. Les yeux étaient fermés, le visage rigide. Seules, dans cette face pétrifiée, les lèvres, gardant une apparence de vie fantastique, tentaient le mystérieux effort de formuler les verbes d’au-delà…
    – Parle ! rugit Saïtano. Parle donc ! M’entends-tu ? Me comprends-tu ? Sais-tu qui tu es ?…
    – Je… suis…
    Étaient-ce des mots ? C’étaient des tronçons de sons formant des embryons de paroles, cela ne ressemblait à rien de ce que Saïtano avait entendu de par le monde, c’étaient des sons morts, si on peut dire, c’était le reflet lointain, l’indescriptible et si peu humain reflet de la parole humaine…
    Mais Saïtano entendit, lui ! Saïtano comprit !… Il se pencha, colla son oreille à la bouche du cadavre. Et le cadavre parlait !… Il tentait de parler !…
    – Je… suis… oh !… je… suis…
    – Qu’es-tu ? Qui es-tu ? dit Saïtano avec un suprême accent de volonté.
    – Oh ! laissez-moi !… Ne voyez-vous pas que… depuis ce matin… je suis… mort !…
    – Mort ! râla Saïtano, les cheveux hérissés.
    Derrière lui, il y eut un bruit sourd. C’était Gérande qui s’affaissait, tombait en arrière, assommée par l’épouvante. Saïtano n’y prit pas garde. Sur la bouche de Bois-Redon, les sons étrangement inhumains se précipitaient maintenant avec une sorte de mystérieuse furie.
    – Laissez-moi !… Vous voyez bien !… Mort !… Je suis mort… Laissez-moi dans la mort !…
    Saïtano, figé, la pensée exténuée d’horreur, écoutait. Peu à peu, ces sons se firent moins sensibles, ils s’atténuèrent, se perdirent en un murmure, en nous ne savons quoi que le mot murmure rend très mal, et il y eut une minute où ce ne fut pas encore du silence, sans que les sons inexprimablement hors de toute idée de son eussent cessé de se faire entendre…
    Et puis enfin, le silence vint.
    Les lèvres de Bois-Redon demeurèrent à jamais scellées, sous un vague sourire de mystère que

Weitere Kostenlose Bücher