Jean sans peur
et, aux lueurs mourantes du jour, vit briller le diamant – le dernier des diamants que le chevalier avait distraits de la dot de Roselys. Sur l’encolure de son cheval, Passavant se pencha davantage et embrassa l’hôtesse sur les deux joues.
– Ce diamant ? murmura-t-elle toute émue.
– Ce n’est pas moi qui vous le donne, fit-il avec son bon sourire, c’est le pauvre chevalier qui, là-bas, sur le plateau du Voliard, mangea de si bon appétit le dîner que vous lui aviez mis dans ses fontes…
– Et ces deux baisers ? dit-elle en riant.
– Oh ! ceux-là, c’est moi qui vous les donne, et de bon cœur, jolie hôtesse que je n’oublierai pas !
Les cavaliers piquèrent des deux, et quand ils eurent disparu, au fond de l’obscurité, la jolie fille était encore sur la route, ne regardant même pas ce beau diamant qu’elle tenait dans ses doigts…
Pendant les jours qui suivirent, Passavant essaya de pénétrer dans l’Hôtel Saint-Pol. Ce fut peine perdue. Il va sans dire qu’il ne pouvait se présenter tout bonnement à la grand-porte. Il savait à quoi s’en tenir sur les intentions d’Isabeau.
– Le moins qui puisse m’arriver, disait-il à Tanneguy, c’est d’être jeté dans les fossés de la Huidelonne, et pour le coup, il me serait difficile de remettre à Roselys le trésor qui lui appartient.
– Qui lui appartient… hum !… grognait Tanneguy, mais je vous approuve, de ne pas vous montrer le jour à l’Hôtel Saint-Pol.
Comme on l’a appris par l’entretien ci-dessus, c’est donc la nuit qu’eurent lieu ces diverses tentatives.
Mais revenons dans la chambre de l’auberge. Nos deux amis finissaient de vider le dernier cruchon lorsqu’on frappa à la porte. C’était maître Thibaud qui venait prévenir que des figures plus ou moins patibulaires avaient été vues autour de l’auberge. Le chevalier et Tanneguy se mirent en observation, et soit que des gens eussent été réellement apostés, soit que leur esprit eût été frappé, ils virent en effet, ou crurent voir à diverses reprises des hommes arrêtés devant l’auberge.
– C’est bien, dit Tanneguy. Nous changerons de gîte.
– Avant tout, fit le chevalier, il faut mettre le trésor à l’abri.
– Diable, oui ! Le trésor de la jolie invisible, de la petite fée qu’on a pétrie de roses et de lys ! Mais où, mon noble ami ? Où cacher la dot de Roselinde…
– Roselys, rectifia froidement le chevalier.
– J’y suis ! cria Tanneguy. Nous allons tout bonnement transporter chez moi les ducats d’Éphraïm. Mon logis n’est plus surveillé. On me croit hors de Paris. Nul ne s’avisera d’aller chercher là. Cela vous va-t-il ?
– Cela me va, mon brave capitaine. Holà ! Holà ! ! maître Thibaud !
– Holà ! hôtelier de l’enfer ! cria Tanneguy pour renchérir.
Thibaud accourut.
– Il faut que vous sachiez, maître Le Poingre, que votre auberge sera sans doute attaquée ce soir ou demain par les gens qui nous veulent la malemort. Mais ne craignez rien, nous serons là pour la défendre.
– En ce cas, dit Thibaud renfrogné, il n’en restera pas pierre sur pierre.
– J’y compte bien, dit Passavant glacial. En attendant, nous voulons mettre en lieu sûr ce trésor qui ne nous appartient pas. Vous allez donc charger ces quelques sacs sur l’une de vos mules que conduira ce drôle, comment l’appelez-vous ? Perrinet, – qui, et que nous escorterons, nous.
Et sans plus s’occuper du déménagement, certains d’ailleurs de la parfaite honnêteté de Thibaud, les deux amis s’occupèrent de s’équiper de pied en cap.
Quand ils descendirent dans la rue, la mule était là, toute chargée. Perrinet tenait le bridon, ne sachant pas d’ailleurs quelle charge précieuse il conduisait, vu que Thibaud, homme prudent, avait lui-même transporté et arrimé les sacs sur le bât. Seulement, en voyant partir ses deux hôtes qui lui promettaient d’être de retour au bout de deux heures pour défendre l’auberge :
– Eh ! songea Thibaud, s’ils pouvaient seulement avoir l’idée de rester en surveillance auprès du trésor. Mes chers seigneurs, dit-il, ne vous gênez pas. Je défendrai seul ma taverne, défendez ces beaux sacs.
– Non, non, par Notre-Dame ! Il ne sera pas dit que nous vous aurons laissé dans la peine !
La petite caravane se mit en route ; la rue était d’ailleurs parfaitement paisible ; si bien que le capitaine et le
Weitere Kostenlose Bücher