Jeanne d'Arc Vérités et légendes
précipitées !
Domrémy est du royaume et Baudricourt est un capitaine royal. Yolande aurait
préparé Jeanne à sa mission, elle l’aurait ensuite accueillie et favorisée.
N’est-ce pas elle qui finança pour partie le convoi de vivres à destination
d’Orléans, et qui présida à l’examen de virginité ? De nombreux chevaliers
angevins participent ensuite à l’expédition du sacre et adressent à leur
souveraine une lettre enthousiaste. Mais c’est absolument tout. Yolande ne fera
aucun effort pour secourir Jeanne prisonnière et n’en parlera plus jamais.
Non, si l’on y regarde de plus près. En 1428, les Anglais
avaient d’abord envisagé d’assiéger Angers et il est probable que Yolande,
soucieuse de les détourner de l’Anjou et de la Touraine, les orienta vers
Orléans. René, son fils, était en pleines négociations avec Bedford dont il
avait besoin pour recueillir les successions de Lorraine et Barrois. Il prêta
hommage au duc Jean le 5 mai 1429, trois jours avant la libération
d’Orléans, et ne rompit avec les Anglais qu’au mois d’août. Yolande avait, pour
le moins, deux fers au feu à la fois.
L’Internationale
franciscaine : une invention farfelue
Les mythographes construisirent entre 1890 et 1930 un mythe
très extraordinaire : une Internationale franciscaine, très comparable à
l’Internationale socialiste ou communiste de leur temps, aurait dominé la
chrétienté dans la première moitié du XV e siècle, en profitant de la
rivalité entre pape et concile qui privait l’Église d’une direction ferme.
Cette Internationale aurait eu sa propre politique de libération nationale en
France, de paix dans la chrétienté et, ultérieurement, de découverte du Nouveau
Monde. Pourvue de caisses bien remplies, l’Internationale pouvait s’appuyer sur
ses couvents, ses protecteurs, dont Yolande faisait partie. Ses tertiaires
auraient été présents dans toutes les bourgades du royaume. Jeanne elle-même
aurait été tertiaire et soutenue à ce titre par l’ordre entier. Les réseaux
souterrains franciscains ont préparé dans l’ombre l’opération Pucelle et même
sainte Colette de Corbie y a trempé !
À la base de cette vision fantasmatique de l’histoire de
Jeanne, comme issue d’un complot généralisé, quelques réalités
incontestables :
La maison d’Anjou a toujours été favorable aux franciscains [33] . L’un des siens, Louis, entré dans
l’ordre puis devenu évêque de Toulouse, a été canonisé en 1317 et protège
depuis la dynastie. Celle-ci fonde des anniversaires dans les couvents
mendiants d’Anjou et de Provence. Ses confesseurs sont souvent pris parmi les
franciscains : ainsi Jean Rafanel, pour Yolande, ou Guy de Villeguionis,
pour Marie d’Anjou. Les familles proches de la dynastie (Craon, Beauveau,
Avaugour) partagent cette sympathie pour les frères de saint François. De
nouveaux couvents de l’Observance sont fondés (comme Laval en 1407). Mais la reine
Yolande mène une vie de cour fastueuse, elle n’est pas tertiaire le moins du
monde. Elle ne vit pas à l’écart, vêtue de gris ou de noir, dans la prière et
le labeur. Et, par testament, elle choisit clairement de reposer, comme une
reine, en 1442, dans le chœur de la cathédrale Saint-Maurice d’Angers et non
dans l’humble couvent franciscain du lieu.
Jeanne, elle-même, est pénétrée de spiritualité
franciscaine. Dans sa jeunesse, elle s’est confessée aux franciscains de
Neufchâteau. Elle utilise les noms conjoints de Jésus-Marie au début de ses
lettres, elle en marque son étendard. Et c’est encore ce nom qui figure sur
l’anneau que lui ont donné ses parents et qui sert, selon les juges, à faire
des enchantements. Elle meurt en criant Jésus et le Nom apparaît au-dessus du
bûcher. Or cette pratique est spécifiquement franciscaine (le très contesté
frère Richard prêche à Paris en 1429 pour le port de médailles au Saint Nom) et
ne fait pas encore l’unanimité des théologiens. Comme les frères, Jeanne a le
goût de l’austérité et de la pauvreté. « Moi, je ne suis qu’une pauvre
fille » ou « Moi, je ne sais ni A, ni B » sont des réponses
typiques de la spiritualité de l’ordre. Les pauvres et les illettrés sont les
plus proches de Dieu. Et c’est en humble habit de drap noir et gris que la
Pucelle se présente à Chinon.
Mais Jeanne n’est pas tertiaire [34] . Elle se confesse aussi à des
dominicains ou à des
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