Jeanne d'Arc Vérités et légendes
toute façon,
dans un siège médiéval, l’avantage est toujours au défenseur.
Les Anglais s’installèrent donc pour une guerre longue. Ils
construisirent une dizaine de fortins autour de la ville, reliés par des
tranchées, d’où ils tiraient sur la cité et interceptaient messagers et
renforts avec une efficacité qui s’accrut à partir de janvier 1429. À cette
date, les Anglais étaient 4 000 ou 5 000. Combien d’hommes à
l’intérieur ? La garnison ne comptait que 200 hommes d’armes, auxquels
s’ajoutait une milice urbaine nettement moins expérimentée. Mais les garnisons
des villes de Beauce et de la Loire, enlevées par les Anglais durant l’été
1428, s’y étaient repliées et le roi y avait envoyé, au fur et à mesure, tous
les capitaines disponibles. Au printemps de 1429, le trésorier des guerres,
Hémon Raguier, payait sur place 1 800 hommes d’armes et 2 300 archers
répartis en une soixantaine de compagnies.
Les bourgeois d’Orléans étaient fidèles à leur duc comme au
roi. Ils tinrent tant qu’ils purent. Même si l’on échange des figues en
septembre et des musiciens à Noël, cette guerre est une vraie guerre. À Orléans,
les boulets tuent et les vivres manquent à partir du début de 1429. Impossible
de cultiver son jardin hors les murs, comme le disent nos mythographes. En
février, le roi envoya une armée de secours qui chercha à s’emparer d’un convoi
de harengs pour le Carême destiné aux Anglais. L’affaire tourna fort mal pour
les Français. Une bonne partie des Ecossais au service du roi furent tués. Les
Anglais eurent leurs harengs et la garnison d’Orléans s’amenuisa.
Les bourgeois découragés négocièrent alors avec le duc de
Bourgogne pour passer sous sa protection, ce qui leur aurait assuré une sorte
de neutralité. Mais Bedford n’entendait pas s’être donné tant de peine pour que
Philippe de Bourgogne tire les marrons du feu à sa place. Il refusa. Le
contingent bourguignon, qui jusque-là assiégeait Orléans aux côtés des Anglais,
quitta les lieux le 17 avril. À cette date, l’équilibre des forces était donc à
peu près rétabli. Les nouveaux renforts envoyés par le roi avec Jeanne feront
la différence, même s’ils ne sont pas très nombreux.
On ne peut donc pas dire, comme notre mythographe
préféré : « Les Anglais sont moins de 5 000. En face, la Pucelle
est à la tête d’une armée de 10 000 hommes, appuyée par les
milices… » Ces chiffres ne sont pas ceux d’une armée médiévale capable, au
maximum, d’aligner 3 000 ou 4 000 hommes ! Qui plus est, Jeanne,
absolument dépourvue d’expérience militaire à cette date, n’exerce aucun
commandement. Quant à l’idée de lui faire donner des ordres aux plus grands
seigneurs du royaume, elle est absurde. Les hiérarchies sont parfaitement
respectées dans l’armée d’Orléans. Jean Bâtard d’Orléans, cousin du roi, est
son lieutenant général pour le Val de Loire, Gaucourt commande la garnison,
certains capitaines sont d’origine médiocre (Poton ou La Hire), Arthur de
Richemont n’est ni là, ni duc de Bretagne ! Ce n’est pas un problème de
commandement, mais d’influence personnelle. Jeanne est une meneuse d’hommes
hors pair, elle n’a peur de rien, elle sait entraîner les hommes, elle a un
coup d’œil sûr, une énergie dévorante, un courage sans faille. Elle veut
attaquer sans relâche, même si d’autres, plus prudents, voudraient bien
attendre. Après tout, le roi va continuer à envoyer des renforts qui prendront
les Anglais de l’autre côté. Pour Jeanne, le temps presse toujours.
Plus tard, l’expérience venant, elle s’avérera un bon
stratège, capable de disposer les hommes et les canons. Mais il ne faut pas
l’imaginer commandant à de grandes armées. Seuls les princes en sont chargés.
Toutefois Jeanne, à leurs côtés, fait ce qu’il faut pour que la confiance et
l’élan restent dans le camp des armées du roi. La mission que Dieu lui a
confiée ne doit pas être oubliée.
Les minimalistes pensent que si Jeanne n’avait pas été là,
si Orléans était tombée, rien n’aurait changé. Le roi avait encore d’autres
villes fortifiées, il aurait pu, au pire, se réfugier en Dauphiné. Tout cela
est de la politique-fiction. Ou encore, Orléans ne pouvait pas tomber parce que
ses remparts étaient solides et ses défenseurs nombreux. Elle n’avait pas
besoin de Jeanne et de ses exploits « qui
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