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Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Titel: Jeanne d'Arc Vérités et légendes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colette Beaune
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francophiles
qu’anglophiles, c’est tout simplement que leurs couvents étaient
particulièrement nombreux dans les pays du sud de la Loire contrôlés par le
dauphin. L’ordre s’était en effet introduit en France à partir de l’Italie.
    La question n’est donc pas : qui manipule et forme
Jeanne avant 1429, mais : qui la conseille habilement quand elle arrive à
la Cour ? Globalement, la réponse est simple. Le parti armagnac est ravi
de voir apparaître une prophétesse dont la mission concerne autant le royaume
que ses intérêts propres. La Pucelle voulait faire lever le siège d’Orléans et
libérer le duc Charles des prisons anglaises. Il la soutint avec ferveur. Les
compagnons de guerre qui restèrent fidèles à Jeanne (Alençon, Dunois, Poton, La
Hire) sont tous armagnacs. Et il est probable que c’est à des clercs de son
parti qu’elle doit les explications qu’elle donne sur l’habit d’homme,
lesquelles viennent tout droit de saint Thomas d’Aquin. Jeanne fut bien
conseillée, certes, mais elle en valait la peine.
     

7

« D’ailleurs Jeanne n’a rien fait ! »
    Entre le « Jeanne a tout fait » de certains
théologiens des années 1900 et le « Jeanne n’a rien fait » de
certains mythographes actuels, il y a bien des possibles que les historiens
essayent d’explorer.
     
    Entre les années 1890 et 1920, les préparatifs de la
béatification et de la canonisation de Jeanne d’Arc conduisent à des excès [37] dans l’appréciation du rôle de Jeanne
qui suscitent dans le camp d’en face (rationalistes et laïcs) des réticences ou
des réactions virulentes.
    Finalement, Jeanne n’a rien fait ou presque rien, se mettent
à penser tout un groupe d’historiens ou de mythographes. La Pucelle n’a occupé
le champ politique et religieux que pendant à peu près un an (du Carême 1429 à
sa capture en mai 1430) ou deux (si l’on considère que son procès et sa mort
eurent toujours un impact), ce qui est bien peu pour changer le destin d’une
nation, fût-elle très-chrétienne. Les années 1429-1430, pensent les
minimalistes, ne sont pas un tournant de l’histoire de France.
    Les minimalistes ne sont pas forcément des fabricants de
mythes. C’est un problème historique réel [38] que d’apprécier le poids dans l’histoire
de la libération d’Orléans ou du sacre de Reims. Et les mythographes sont
rarement minimalistes. S’ils font de Jeanne la fille cachée d’une reine, c’est
pour pouvoir lui attribuer des exploits militaires et politiques. De même, si
elle survit sous la forme de Claude des Armoises, comme le pensent les
survivalistes, c’est pour poursuivre un destin exceptionnel. En fait, seuls les
partisans d’une Yolande d’Anjou qui aurait été le deus ex machina de
l’histoire de la Pucelle sont spontanément minimalistes. Puisque c’est Yolande
qui paie le convoi de vivres destiné à Orléans, puisque c’est elle qui aurait
eu l’idée de l’expédition du sacre, que reste-t-il à faire à notre pauvre
Jeanne ?
     

Victorieuse à
Orléans
    Située à la limite des deux obédiences, anglo-bourguignonne
et delphinale, la capitale du duché d’Orléans était une grande et notable cité,
sur les plans symbolique comme stratégique. Pour les Armagnacs, c’était la clé
de l’apanage. Si Orléans tombait, pensaient-ils, jamais aucune rançon
suffisante ne pourrait être versée et jamais le duc Charles ne reviendrait
d’Angleterre. Pour la dynastie, la ville était l’une des anciennes capitales de
Robert le Pieux. Philippe I er était enterré non loin de là.
Stratégiquement, la ville gardait les ponts de la Loire, donc les routes vers
le royaume de Bourges.
    Orléans [39] assiégée depuis octobre 1428, avait tous les atouts pour tenir longtemps :
de solides remparts, au sud un obstacle naturel (la Loire), une garnison loyale
et motivée, des provisions qui entrèrent tant que la ville ne fut pas
complètement bloquée au début de 1429. Des remparts bien entretenus et sans
cesse renforcés protégeaient toute la rive droite : 2,7 kilomètres de
murs, une trentaine de tours et 5 portes fortifiées. Le pont lui-même, qui
comptait 19 arches, était couvert par la bastille des Tourelles et son débouché
rive gauche par celle des Augustins. La municipalité avait financé une
artillerie nombreuse – dont quelques canons à longue portée pour l’époque,
comme celui qui tua, le 24 octobre 1428, le comte de Salisbury. De

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