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Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Titel: Jeanne d'Arc Vérités et légendes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colette Beaune
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émus aux larmes.
    Un soldat anglais lui fabriqua une petite croix de bois, un
autre, qui avait juré d’ajouter un fagot à ce feu, le fit puis se sentit
tellement mal qu’il s’évanouit. Le secrétaire du roi d’Angleterre lui-même
s’écria en gémissant : « Nous sommes perdus, nous avons brûlé une
sainte. »
    Du côté des Rouennais, les réactions ne furent pas très
différentes. Martin Ladvenu et Jean Alespée, qui tous deux avaient participé
aux interrogatoires, « voudraient bien que leur âme aille, un jour, là où
ils croient qu’est l’âme de cette femme ». Plus prosaïque, un autre, le
dominicain rouennais Pierre Bosquier, alla se saouler consciencieusement dans
une taverne, injuria les juges et se retrouva condamné au pain et à l’eau pour
un an. Quant au bourreau, il se précipita au couvent des frères prêcheurs pour
s’y confesser, « ému et frappé d’une merveilleuse repentance et contrition
comme tout désespéré de ce qu’il avait fait à cette femme ». Parmi ceux
qui, dans le secret de leur cœur, étaient les partisans du roi Charles,
certains virent au-dessus du bûcher une colombe blanche ou le nom de Jésus
écrit en lettres d’or. Prudents, ils ne l’affirmèrent pourtant qu’après 1450 !
    Les Anglais s’empressèrent de faire connaître partout la
bonne nouvelle. Dès le 8 juin, la chancellerie anglaise envoya à l’empereur,
aux rois, ducs et à tous les princes de la chrétienté un récit de la mort de la
Pucelle qui se termine ainsi : « Voici sa mort, voici sa fin, que
nous avons jugé bon de vous révéler afin que vous puissiez connaître la chose
avec certitude et informer autrui du décès de cette femme. » À Paris, le
grand inquisiteur de France, Jean Gravèrent, prononça un long sermon à Saint-Martin-des-Champs
le 9 août, dénonçant toutes les erreurs de Jeanne à une foule perplexe.
« Certains disaient qu’elle était martyre et était morte pour son roi,
d’autres qu’elle avait mal fait. » Dans le Journal du greffier du
Parlement, la nouvelle est rapportée en détail au 30 mai : « À la fin
relapse et condamnée au feu, elle fit pénitence… Que Dieu accueille son âme
avec miséricorde. »
    Côté anglais, la mort de Jeanne ne fut donc pas un
non-événement, comme les mythographes le disent. Bien au contraire, ils s’empressèrent
de reprendre le siège de Louviers. La ville tomba en octobre 1431.
     

Une substitution
impossible
    La substitution ne pouvait avoir eu lieu qu’au château avant
neuf heures. Il aurait donc fallu que les Anglais trouvent quelqu’un pour
jouer, pendant trois heures, un rôle écrasant qui finissait par une mort
douloureuse. Où trouver une actrice qui n’ait pas trop le choix ? Les
mythographes ne vont pas jusqu’à supposer qu’il y ait eu volontariat !
Mais les prisons de l’Inquisition à Rouen étaient pleines, pensent-ils, de
sorcières à brûler. Le livre des comptes du Domaine de Rouen, qu’utilise le Jeanne d’Arc de Pierre Champion, fournit six noms de femmes détenues pour
hérésie, sorcellerie, fabrication de filtres entre 1431 et 1438. Les quatre
femmes (dont trois se prénommaient Jeanne) attestées entre 1432 et 1438
n’étaient probablement pas encore arrêtées. L’année qui convient (1431), il n’y
avait que deux prisonnières : Alice La Rousse (dont on aurait dû teindre
les cheveux, Jeanne était brune) et Cardine La Ferté. Aucune ne s’appelait
Jeanne. N’auraient-elles pas été franchement surprises de s’entendre
interpeller plusieurs fois pendant la cérémonie : « Toi,
Jeanne » ?
    Beaucoup plus gênant encore : le livre du Domaine
n’enregistre nullement, comme on voudrait nous le faire croire, le nombre des
sorcières brûlées à Rouen, mais celui des personnes qui ont été inquiétées par
l’Inquisition et admonestées ensuite par un clerc dans l’aître de la
cathédrale. Le bois dont il est question servit à fabriquer des estrades et non
des bûchers ! Alice et Cardine ont probablement été condamnées à la
prison, « au pain de douleur et à l’eau d’angoisse ». Au début du XV e siècle, seuls 10 à 15 % des procès d’inquisition se terminent par un
bûcher. Quant à l’idée qu’il y ait pu y avoir des condamnées à mort en stock
dans les prisons de Rouen, elle est farfelue ! Si la justice médiévale
condamnait peu à mort, elle exécutait immédiatement.
    Supposons que les Anglais aient quand même

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