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Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Titel: Jeanne d'Arc Vérités et légendes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colette Beaune
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début mai. Contrairement à ce que pensent les mythographes, la
Pucelle n’échappa nullement à la torture parce qu’elle était d’origine royale,
mais tout simplement parce qu’elle était femme. La torture n’était pas
obligatoire dans un procès d’inquisition. D’ailleurs, les juges de Jeanne
votèrent : fallait-il le faire ou bien seulement lui montrer bûcher et
instruments ? Cela suffisait en général à impressionner le sexe faible.
Trois juges seulement (dont Courcelles et Loiseleur) optèrent pour le oui.
Jeanne ne céda pas. « Si je voyais le feu et les bourreaux prêts à
l’allumer, même ainsi, je ne dirais pas autre chose. » Et le procès
s’achemina vers sa conclusion logique : une condamnation à la prison
perpétuelle. Plusieurs fois admonestée, la Pucelle abjura : « J’aime
mieux signer que d’être brûlée. »
    L’Église en effet condamnait rarement à mort. Seuls
l’hérétique obstiné ou celui qui était retombé dans son erreur risquaient le
bûcher.
    Tous ces clercs français qui la condamnèrent étaient
convaincus de sa culpabilité religieuse. Mais, en même temps, ils savaient bien
que le procès était politique. Car les Anglais les logeaient et payaient tous
leurs frais ! « Certains étaient mus, comme le dit Isembard de la
Pierre en 1452, par l’esprit de parti, ou par l’esprit de vengeance, d’autres
par la crainte, d’autres enfin par le salaire. » Aussi les soixante-dix
articles étaient-ils un résumé tendancieux des réponses de Jeanne et les rares
assesseurs un peu trop favorables à la Pucelle avaient-ils été intimidés et
écartés.
    Le procès se jouait parallèlement sur deux plans. Ce à quoi
on était arrivé sur le plan religieux, en ce 24 mai où Jeanne abjura au
cimetière Saint-Ouen, aboutissait à une impasse sur le plan politique. Les
Anglais étaient furieux. Ils se sentirent bernés : ils étaient venus pour
voir brûler la sorcière, tout de suite si possible. Il se fit un grand tumulte
et des pierres furent lancées contre l’estrade où se tenaient les juges de
Jeanne, encadrant le cardinal de Winchester, régent d’Angleterre. Les épées
furent sorties de leur fourreau. La Pucelle se mit à rire. Un secrétaire du roi
d’Angleterre hurla « que Cauchon était un traître et qu’il gagnait bien
mal l’argent du roi ». Le cardinal eut bien du mal à calmer les esprits
tandis que les juges apeurés battaient prudemment en retraite. Certains
cherchèrent à s’imposer comme médiateurs : « Ne vous inquiétez pas,
nous la récupérerons bien ! » Pendant les huit jours qui s’écoulèrent
entre l’abjuration et la mort de Jeanne d’Arc, Rouen fut au bord de l’émeute.
     

Un corps dans les
flammes
    Il suffisait alors aux Anglais, si l’on s’en tient à la
théorie des mythographes (Jeanne était d’origine royale), et s’ils voulaient la
sauver en vertu de sa parenté avec leur reine, de récupérer la condamnée et
d’organiser une disparition discrète sans bûcher.
    Mais Jeanne n’était pas parente de la reine et les Anglais
avaient besoin de sa mort [50] qui plus est d’une mort publique et infamante, d’une mort qui frapperait les
esprits et leur rendrait les faveurs de l’opinion. Jeanne leur donna cette
opportunité ! Le dimanche, elle reprit ses habits d’homme. Retombant dans
ses erreurs, elle était automatiquement promise à la mort.
    On expliqua vite le sens de l’histoire aux assesseurs trop
curieux. Ainsi, maître André Marguerie ayant dit qu’il fallait enquêter pour
savoir comment ces habits s’étaient retrouvés dans la chambre de Jeanne (c’est
une très bonne question !), il se fit traiter de traître d’Armagnac par un
soldat anglais, qui faillit le clouer au mur d’un coup de lance. D’autres
assesseurs qui voulaient vérifier furent refoulés manu militari par une
centaine d’Anglais passablement énervés. L’exécution fut organisée pour le
mercredi 30 mai, soit deux jours après seulement. Pour les Anglais, le temps
pressait.
    Entre huit heures et neuf heures, la condamnée reçut la
citation du tribunal. Elle se confessa à Martin Ladvenu et réclama l’hostie,
qui lui fut apportée. Elle dit à Pierre Maurice : « Où serai-je ce
soir ? — N’espérez-vous pas être au Paradis ? », et à
Pierre Cauchon : « Évêque, je meurs par vous. » C’est cette
heure qui paraît suspecte aux mythographes. Elle aurait servi à organiser

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