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Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Titel: Jeanne d'Arc Vérités et légendes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colette Beaune
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Jeanne mourir – il y en a quand
même – sont de faux témoins, probablement parce qu’ils disent que Jeanne
est bien morte.
    Nous ne savons pas combien de Rouennais assistèrent à cette
exécution qui était publique. Il fallait qu’elle le soit, si les Anglais
voulaient que la mort fût prouvée. Certes, leurs soldats étaient les mieux
placés autour de la condamnée comme auprès des trois échafauds qu’ils étaient chargés
de garder. Étaient-ils 800 rassemblés sur cette place du Vieux-Marché, comme le
dit le notaire Massieu lors de l’enquête préliminaire ? En 1455, les
témoins optent pour des chiffres plus faibles : 80 gardes armés pour
l’autre notaire et 120 chez Nicolas de Houppeville. La garnison de Rouen,
capitale de la Normandie anglaise, était importante. Elle avait pu être
renforcée. Le jeune roi d’Angleterre Henry VI et sa famille résidaient
alors au château. L’expédition de Louviers était en préparation. Nos témoins ne
sont pas de mauvaise foi. Evaluer une foule a toujours donné des résultats
aléatoires et différents, suivant que l’on s’adresse aux syndicats ou à la
police.
    Commençons par les clercs. Ils sont nombreux et très
majoritaires parmi les témoins du procès en nullité. Ils ont joué un rôle
décisif dans la première partie de la cérémonie. Leur tâche est terminée. Ils
se lèvent, descendent de l’estrade et regagnent leurs pénates. Par pitié,
disent-ils en 1455 : l’Église ne saurait en effet répandre le sang ni
condamner à mort. La livraison au bras séculier est un artifice qu’il convient
de préserver. Ceux qui s’en vont ainsi appartiennent presque tous à
l’université ou au haut clergé. D’autres ont participé aux séances
d’interrogatoire. Mais ils ont peut-être d’autres raisons que leur cœur trop
tendre : la défense de l’honneur des juristes. Ils sont furieux de
constater qu’une irrégularité flagrante de procédure vient de se produire sous
leurs yeux et à leurs dépens : l’absence de procès séculier qui porte
atteinte à leur œuvre et à leur réputation future. Moins sourcilleux, les
simples prêtres du diocèse pris dans la foule ont assisté au spectacle jusqu’au
bout.
    Passons maintenant aux laïcs. On ne peut pas dire :
« Impossible à la population d’assister à cette exécution. » Certains
sont venus par curiosité, comme Jean Fave, un étudiant en droit, qui avait
vingt ans en 1431. D’autres, par sympathie spontanée, comme Jean Moreau,
chaudronnier, originaire du Bassigny, venu s’établir à Rouen une dizaine d’années
plus tôt. Jeanne était sa payse. Aussi assista-t-il à l’abjuration comme à
l’exécution, dont il fit un récit très détaillé. De même pour Husson Lemaitre,
autre chaudronnier, ou Pierre Cusquel, qui était apprenti en 1431. Aucun
d’entre eux n’a participé au procès. Tous ces gens du peuple n’ont rien à
cacher. Enfin le lieutenant du bailli, Laurent Guesdon, et le procureur de la
ville, Pierre Daron, étaient tous deux sur l’estrade lorsque le bailli renonça
dans les faits au procès laïc. Ils ont bien vu.
    Peut-on récuser la douzaine de témoins qui ont assisté à
l’exécution de bout en bout et disent n’avoir pas de doutes sur la mort de la
Pucelle ? Parce qu’ils la connaissaient bien et l’avaient déjà vue
plusieurs fois, ils pouvaient jurer que c’était bien elle sur le bûcher.
    Comment invalider tous ces témoignages ? Les clercs
sont tous plus ou moins suspects aux mythographes. Ils ont participé au procès
(c’est aussi pourquoi on les interroge !). Certains, tel le pauvre notaire
Guillaume Manchon, seraient d’une moralité douteuse : lâche, peureux et
menteur. Pas plus qu’un autre. De toute façon, ce n’est pas à l’historien de
distribuer des certificats de moralité. Les laïcs, eux, sont récusés en
fonction de l’humilité de leur condition : « Il y a aussi parmi les
témoins beaucoup de pauvres gens… qui n’ont pas bien compris ce qu’on leur
demandait et qui ont signé (ils ne savent pas signer !) sans hésiter le
texte qu’on leur présentait. » Il est vrai que, à Rouen comme à Domrémy,
les juges, en fabriquant les questions, ont orienté les réponses. Y a-t-il un
tribunal, hier ou aujourd’hui, où les accusés ou les témoins fabriquent les
questions ? Non. C’est la limite normale des sources judiciaires.
Chaudronniers ou paysans ne sont pas forcément des

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