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Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Titel: Jeanne d'Arc Vérités et légendes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colette Beaune
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nourriture que Jeanne mange vient des
cuisines collectives du château. Si Pierre Cauchon lui envoie une carpe (que
Jeanne, qui par ailleurs déteste les casseroles, n’a pu faire griller dans une
cheminée inexistante), c’est pour améliorer l’ordinaire, qui est sûrement
quelconque. La nuit, on lui met des fers qui l’entravent avec une chaîne fixée
à une lourde pièce de bois. Le maître des œuvres du château a commencé à
fabriquer une lourde cage de fer, pour l’enfermer debout, qui n’aura pas le
temps d’être installée. Il n’y avait pas de lit, affirme Guillaume Manchon,
mais des paillasses au sol où dormaient Jeanne et trois ou quatre de ses
gardes, tandis que deux autres mettaient les leurs devant la porte
soigneusement fermée à clé. Il y avait trois clés, détenues par Cauchon,
d’Estivet et le cardinal de Winchester. Nul ne pouvait approcher la Pucelle, ni
lui parler. Peut-on parler de « réception » quand les Anglais
venaient de nuit pour lui faire peur ou quand les invités du comte de Warwick,
le 13 mai, vinrent, après boire, voir la prisonnière la plus célèbre du
temps ?
    Jeanne s’est plainte à plusieurs reprises de ses conditions
de détention. Normalement, elle aurait dû être détenue dans une prison
d’Église. Mais les Anglais n’ont pas voulu lâcher une prisonnière qu’ils ont
mis si longtemps à récupérer. Elle leur a quand même coûté 10 000
livres ! Jeanne se plaint du bruit, des plaisanteries salaces de ses
geôliers, de leurs injures. Déjà tourmentée de jour par les questions des
juges, elle est, de nuit, exposée aux outrages d’une bande de
« houspilleurs ». Il lui faut sans cesse être sur ses gardes.
     

Jugée… par des
Français
    L’idée même du procès n’appartient pas aux Anglais. C’est la
faculté de théologie de l’université de Paris qui prit l’initiative de réclamer
la prisonnière comme « ouvertement diffamée d’hérésie » et, comme
telle, justiciable d’un tribunal d’inquisition. Les universitaires parisiens
étaient de fidèles sujets de la double monarchie, qui leur distribuait offices
et prélatures. Et ils avaient eu très peur, en septembre 1429, quand la Pucelle
avait tenté l’assaut sur Paris. On ne saurait dire que Bedford avait été
exagérément satisfait en apprenant leur initiative. L’affaire allait durer.
Mais, par ailleurs, une condamnation de la Pucelle permettrait de salir
l’honneur de Charles VII, qui devrait alors son sacre à un agent du
diable. Qu’elle le soit pour hérésie ou sorcellerie n’avait d’ailleurs, pour
eux, aucune importance. Ils voulaient sa mort, car tant qu’elle vivrait,
croyaient-ils, les défaites succéderaient aux défaites.
    Ils choisirent Rouen, plus sûre que Paris. Pierre Cauchon,
évêque de Beauvais mais surtout conseiller d’Henry VI, se trouvait être
compétent, puisque Jeanne avait été capturée dans son diocèse. Il fut associé
au vice-inquisiteur de France, le dominicain Jean Le Maire, tandis que le
promoteur chargé de rédiger l’acte d’accusation, Jean d’Estivet, fut choisi
parmi les chanoines normands.
    Plus d’une centaine de juges et d’experts ont participé, à
un titre ou à un autre, au procès. Il n’y avait que 7 Anglais parmi eux, dont
certains n’ont participé qu’à un ou deux interrogatoires et d’autres assisté à
l’abjuration. Tous les autres étaient normands ou parisiens :
universitaires, curés, chanoines, frères mendiants (5 franciscains et 6
dominicains) ou bénédictins de Jumièges, du Mont-Saint-Michel, cisterciens de
Mortemer.
    Les procédures ordinaires de la justice ecclésiastique
furent absolument respectées. Cauchon tenait à un beau procès : sa
réputation de théologien était engagée. Après une enquête préliminaire en
Lorraine sur la réputation de Jeanne (qui est perdue, il n’y a pas que le « livre
de Poitiers » à avoir disparu !), s’ouvrit le procès d’office, au
cours duquel la Pucelle fut interrogée, soit au tribunal, soit dans la prison.
D’Estivet rédigea alors un acte d’accusation en soixante-dix articles qui
furent réduits par la suite à douze. S’ouvrit ensuite la seconde phase du
procès, la phase contradictoire, où Jeanne dut répondre aux chefs d’accusation
retenus contre elle.
    Quelle sentence pouvait rendre le tribunal ? Quand il
estima, au bout de trois mois, avoir fait le tour du sujet, il menaça l’accusée
de la question,

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