Jeanne d'Arc Vérités et légendes
Mortagne qui commandait les hautes vallées de l’Escaut et de la
Scarpe, passèrent aux mains de veuves pour leurs enfants encore petits. Fin
1307, un groupe de pauvres pèlerins vêtus de robe de bure à capuchon apparut
dans le pays. Leur piété fit grande impression. On les nomma les « Louez
Dieu ». Le 13 février 1308, leur chef, qui se faisait passer pour Jean de
Vierzon, sire de Mortagne, arriva à Tournai en compagnie de Louis d’Evreux,
frère de Philippe IV. Louis, dont il était le cousin germain, savait
sûrement qu’il s’agissait d’une manœuvre politique. Marie de Mortagne ouvrit
les bras à son époux. Que savait-elle au juste ? Les sujets acclamèrent avec
joie le retour de leur seigneur. Parallèlement, les autres retrouvèrent tous
leur famille supposée. Cette imposture de groupe dura six ans. La forteresse de
Mortagne eut le temps d’être vendue au roi en 1314, avant que des doutes ne
surgissent.
En 1423, une pauvre pèlerine arriva à Gand qui prétendit
être Marguerite de Guyenne, sœur du duc de Bourgogne et veuve depuis décembre
1415 du dauphin Louis. Elle fut royalement traitée par la ville pendant
plusieurs semaines. Le duc lui-même dut venir à Gand, en compagnie de sa vraie
sœur, pour que les Gantois acceptent finalement de reconnaître leur erreur.
En 1428, une histoire encore plus étonnante est suffisamment
comparable à celle de la fausse Jeanne d’Arc pour que le Champion des dames fasse le rapprochement.
Un clerc, dont nous ne savons rien, se fit passer pour un
prédicateur carme de renom, Thomas Cornette. Il prêcha à Cambrai, Tournai,
Arras, Amiens, Thérouanne et Saint-Valery-en-Caux avant de rembarquer pour la
Bretagne. Il appelait à la réforme morale et s’en prenait aux élites laïques ou
ecclésiastiques des villes qu’il traversait. Richement logé, honoré de tous, il
se déplaçait de ville en ville, suivi d’une camarilla nombreuse. Les autorités
s’inquiétèrent : ces prêches remettaient en question le pouvoir des ducs
de Bourgogne. Il fut arrêté et dut reconnaître qu’il n’était ni carne ni
prêtre. Il fut brûlé plus tard, sur l’ordre du pape Eugène IV, à Rome.
Doubler un clerc a toujours été beaucoup plus risqué que de doubler un laïc.
Lorraine, elle
aussi
Le traité d’Arras mécontenta nombre d’Armagnacs par les
concessions importantes qu’il faisait aux Bourguignons. Dunois refusa de le
jurer et le roi mit plusieurs mois avant de le ratifier officiellement en
décembre 1435. Pourtant, dès le printemps suivant, l’armée royale entrait dans
Paris. C’est en mai que Claude se manifesta dans la région de Metz. Nous ne
savons à peu près rien sur Claude des Armoises [54] avant cette date. Cette fille,
probablement prénommée Claude, serait née vers 1410 en Lonaine. Et sa vie
jusque-là n’a sûrement pas été un long fleuve tranquille.
En effet, le Bourgeois de Paris fait à l’année 1440 une
petite biographie de la fausse Jeanne, dont il n’y a aucune raison de
douter : « Elle avait fait aucune chose dont il convint qu’elle alla
au Saint-Père, comme de main mise sur père ou mère, prêtre ou clerc violemment.
Car, comme elle disait, elle avait frappé sa mère par mésaventure (par grande
colère)… Et pour ce, alla à Rome vêtue comme un homme. Fut soudoyer
(mercenaire) en la guerre du pape Eugène et fit homicide, en la guerre, par
deux fois. »
Les mythographes, qui pourtant utilisent le Bourgeois à
tire-larigot, évacuent tous ce passage qui, bien évidemment, ne fait guère de
Claude des Armoises un parangon de vertu filiale. De quoi s’agit-il ?
Claude a frappé sa mère biologique (s’il s’agissait de sa mère prétendue, elle
aurait frappé Isabelle Romée) à la suite d’une dispute dont nous ignorons le motif.
Une conduite trop libre de sa part ou la répartition d’un héritage à la mort du
père ? Toujours est-il que la mère a porté plainte devant l’officialité.
Claude n’a pas respecté le Quatrième Commandement : « Tu honoreras
ton père et ta mère », et a provoqué le scandale. Seul le pape peut
pardonner ce genre de conduite. Il faut donc à notre pénitente rejoindre Rome.
Elle en profite pour gagner sa vie comme mercenaire, ce qui n’est pas
exactement ce qui avait été prévu. Ce voyage pourrait avoir eu lieu entre 1431
(avènement du pape Eugène IV) et 1434, date à laquelle le pape quitte
Rome.
Devenue mercenaire et vêtue en homme,
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