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Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Titel: Jeanne d'Arc Vérités et légendes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colette Beaune
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la
Grange-aux-Ormes, au sud de Metz, est l’un des petits manoirs pourvus d’une
garnison qui protègent la ville impériale. Et le pays messin est un entre-deux,
une sorte de lieu neutre qui n’est ni en France ni en Bourgogne. L’endroit
choisi n’est pas franchement en ville, mais ce n’est pas la campagne non plus.
Vaucouleurs et Domrémy sont à une distance déjà respectable. De toute façon,
Jeanne d’Arc, la vraie, n’est jamais venue à Metz même si elle y est populaire.
    Claude « y fut amenée » (nous aimerions bien
savoir par qui), humblement vêtue en femme. Comme Jeanne est morte vêtue en
femme, il faut refaire le passage inverse. Il fallut donc fournir à nouveau à
l’arrivante l’habit d’homme et les armes nécessaires à son personnage :
houzels (hauts-de-chausses et chausses) et chaperon. Pour faire la guerre, il
faut aussi une épée et un cheval. Dans un premier temps, il n’y eut ni étendard
ni armure. La nouvelle Pucelle fit alors une brillante démonstration de ses
qualités équestres, laquelle est très comparable à celle que Jeanne effectua à
Chinon.
    Mais comment être sûr qu’il s’agit bien de celle qui a été
brûlée à Rouen ? Curieusement, aucun examen de virginité n’est envisagé
(j’ai quelques doutes sur le résultat !) et nul ne semble avoir demandé à
la ressuscitée ce qu’elle avait bien pu faire pendant presque cinq ans !
Pour nos mythographes, qui citent à l’appui le Bourgeois de Paris, Jeanne
aurait été condamnée en 1431 à quatre ans et demi au pain et à l’eau. L’ennui,
c’est que le journal de celui-ci ne comporte aucun passage de ce
genre !
    Son identité fut établie uniquement par les
témoignages ; celui de Nicole Louve qui l’avait vue à Reims lors du sacre
et surtout celui de ses deux frères Pierre et Jean, à qui rendez-vous avait
manifestement été donné à la Grange-aux-Ormes. « Ils croyaient qu’elle
avait été brûlée. Quand ils la virent, ils la reconnurent et elle les reconnut
aussi. »
    Pourquoi l’ont-ils reconnue ? La chronique plaide
manifestement leur bonne foi. Elle ressemblait à leur sœur (brune, pas très
grande), elle était bonne cavalière. Son corps portait les mêmes enseignes (la
fameuse marque ou des traces d’anciennes blessures ?). Elle parlait comme
elle par paraboles ou à mots couverts. Ils la reconnurent parce qu’ils
espéraient son retour. Ils furent abusés par amour ou par intérêt. Sans elle,
l’or, les titres, les charges n’affluaient plus sur leur famille. Et, dans bien
d’autres cas d’imposture, une femme peut reconnaître à tort son mari, une mère
sa fille, ou un frère sa sœur.
    Mais il est possible aussi qu’ils aient été complices. Le
roi n’avait pas fait grand-chose pour leur sœur et les deux rançons qu’avait dû
payer Pierre avaient vidé des caisses déjà très moyennement garnies. De l’avis
de leur mère, Isabelle Romée, qui habitait toujours Domrémy, nous ne savons
rien, même si les mythographes tentent de l’embarquer dans l’aventure.
    Les organisateurs de cette résurrection sont probablement
les Messins. Quatre d’entre eux apparaissent dans la chronique : Nicole
Louve, Aubert Boulay, Nicole Grognât et Geoffroy d’Esch. Ils appartiennent tous
aux paraiges, ces groupes aristocratiques qui, depuis le début du XIII e siècle, ont accaparé le pouvoir dans la cité. Chacun correspond à un quartier
de la ville et se réunit dans l’une de ses églises. Ainsi, le paraige
d’outre-Seille se réunit-il à l’église Sainte-Ségolène.
    Le plus connu d’entre eux est celui à qui s’adressa la
fausse Pucelle, Nicole Louve. Il joue le rôle du roi à Chinon. « Et dit
plusieurs choses au sire Nicole Louve (un secret ?), dont il entendit bien
que c’était celle qui avait esté en France. » Louve appartient au paraige
de Port-Sailly. Sa famille est notable, mais sans plus. Il va en faire la
fortune. Échevin en 1412, il part ensuite en Terre sainte. À son retour, il
assiste au sacre de Charles VII, qui l’adoube. Il est donc deux fois
chevalier (de Jérusalem et du roi), ce qui n’est pas donné à tout le monde. Il
fait partie des Treize qui dirigent la cité puis des Sept de la guerre.
Diplomate aguerri, il obtient en janvier 1435 de l’empereur la confirmation des
privilèges de la ville. En 1436, il est fabuleusement riche et fait construire
à ses frais un nouveau pont et cinq croix à l’entrée des

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