Jeanne d'Arc Vérités et légendes
notre Claude y prend
goût et ne cherche pas à réintégrer sa famille. En 1435-1436, elle semble faire
partie des écorcheurs, souvent appelés Armagnacs, qui, sans emploi après le
traité d’Arras, ravagent l’est de la France. Plusieurs indices en ce sens, mais
aucune certitude. Une superbe lettre de 1439 signale la présence de nombreuses
femmes dans la troupe de l’écorcheur Jean de Blanchefort : « Les
Armagnacs n’ont pas plus de 5 000 chevaux et, sur ce nombre, 3 000
bien montés, le reste n’est qu’un ramassis au milieu duquel il y a 300 femmes à
cheval… La nuit venue, ils se couchent à peu de distance les uns des autres.
Ils mangent mal, se contentent souvent de noix et de pain mais nourrissent bien
leurs chevaux [55] . »
Certes, les femmes sont toujours nombreuses à l’époque
autour des armées pour préparer la nourriture, soigner les blessés ou tout
simplement comme filles à soldats. L’armée de secours pour Orléans comportait
aussi des femmes, que Jeanne chassa pour certaines. Son épée se serait même
cassée sur le dos d’une de ces filles de joie. Pour d’autres, la Pucelle se
montra plus indulgente, renvoyant chez ses parents l’une d’elles prête à
accoucher. Ici, les femmes, particulièrement nombreuses, sont des cavalières
entraînées et semblent participer à une guerre d’escarmouches.
L’écorcheur Jean de Blanchefort arrive aux environs de Metz
le 2 mai 1436, comme le confirme la chronique messine de Jacomin Husson, aux
côtés des troupes de Poton de Xantrailles, l’ancien compagnon de Jeanne d’Arc.
Ils sont fort mal accueillis par les Messins et se dispersent temporairement.
Quinze d’entre eux sont faits prisonniers. Furent-ils ramenés à Metz ?
Blanchefort appartient à la petite noblesse du Berry.
Vassale du duc de Bourbon, il a participé en 1420 au siège d’Orléans comme
lieutenant du maréchal de Sainte-Sévère, l’un des personnages importants du Mystère. Il y a vu Jeanne. Il sait comment elle monte à cheval, comment
elle parle. Peut-être est-il tout content de raconter ses exploits de jeunesse
à ses hommes qui sont en partie des femmes. En 1431, pendant le procès de
condamnation, il est capitaine de Breteuil en Normandie. Ses pérégrinations du
nord au sud puis à l’ouest de la France entre 1437 et le début de 1440 ont été
cartographiées par Philippe Contamine. Curieusement, Claude des Armoises se
trouve souvent à proximité : ainsi en 1438 en Provence, fin 1439 dans le
Maine. En 1440, il se range et le roi le nomme capitaine de Château-Gontier,
aux gages de 1 000 livres par an. Il se fera tuer dix ans plus tard, lors
de la reconquête de la Normandie, au siège de Saint-Sauveur-le-Vicomte. Il est
possible que l’armée de Blanchefort ait servi de camp arrière à notre
mystificatrice entre ses diverses apparitions. Mais c’est improuvable.
La
« ressuscitée »
Le 20 mai 1436, soit cinq ans après la mort de Jeanne sur le
bûcher, celle-ci serait réapparue près de Metz. Toute une série de chroniques
messines en parlent. Car, pour une fois, les sources sont nombreuses. Dans
cette ville libre d’Empire, partagée entre partisans de l’empereur, partisans
de Charles VII et pro-Bourguignons, la municipalité faisait rédiger année
après année une chronique officielle (de 1180 à 1473). Elle est aujourd’hui
perdue, mais tous les chroniqueurs l’ont utilisée, chacun à sa façon.
La première chronique est celle de maître Pierre de
Saint-Dizier, archiprêtre de Metz et curé de l’importante paroisse Saint-Eucaire,
outre-Seille, où la famille d’Esch faisait enterrer les siens. La chronique
conservée par plusieurs manuscrits et éditée au XVIII e siècle par
Dom Calmet couvre les années 1231-1445. Le chroniqueur a d’évidentes sympathies
pour les Armagnacs et la « gentille fleur de lys ». L’alliance entre
Bourgogne et Angleterre est « contre droit, raison et serment ».
C’est grande pitié. À 1429, il a incorporé un récit dithyrambique sur les
exploits militaires de Jeanne : « Elle conquit nombre de villes et forteresses
mais, à la dernière, fut prise… Arse fut en un feu et, disait-on, que c’était
sans cause, par haine. » Jeanne est donc morte, mais elle réapparaît.
C’est cette chronique qui dans sa première version donne le récit le plus
détaillé de la « reconnaissance » de Jeanne.
Le lieu correspond aux périphéries habituelles :
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