Jeanne d'Arc Vérités et légendes
accepter de le perdre aussi pour l’étemité.
Si la parenté biologique effraie Jeanne, elle n’a aucune
réticence devant la parenté spirituelle. Dans son village, elle est marraine du
fils de Gérardin d’Epinal. Lorsqu’elle part, elle conseille à sa cousine de
donner à son enfant le prénom de sa sœur Catherine. En 1429, elle accepte à
nouveau plusieurs fois d’être marraine d’enfants de partisans de
Charles VII. Si le choix du prénom lui est laissé, elle nomme les petits
garçons Charles (comme le roi ou comme le duc d’Orléans ?) et les petites
filles Jeanne. La parenté spirituelle semble, pour la Pucelle, compenser
l’absence de maternité.
Claude eut-elle deux fils de Robert des Armoises, comme elle
l’affirme à Paris ? C’est possible, mais ces petits garçons ne semblent
guère avoir vécu. Seul Philibert, le fils de la première épouse de Robert,
hérita de son père. La généalogie des Armoises des années 1700 ne mentionne
aucun héritier pour le second mariage, comme si ces enfants n’avaient jamais
existé.
Certains mythographes, comme G. Pesme, pensent d’ailleurs
que Claude-Jeanne n’eut jamais d’enfant. En revanche, ils lui attribuent un
filleul, Louis des Armoises-Autrey, enterré lui aussi à Pulligny-sur-Madon.
Elle aurait choisi le prénom de Louis d’Orléans pour le donner à son jeune
cousin. Pourtant, des recherches récentes prouvent que Louis d’Autrey est né au
plus tôt vers 1480, quelques décennies après la mort de Claude !
De quelles tâches domestiques Claude et Jeanne sont-elles
capables ? Toutes les petites filles apprennent à prier comme à tenir une
maison. La Pucelle a une grosse répugnance vis-à-vis de la cuisine. De sa
rivale Catherine de La Rochelle, qui, elle, est mariée, elle dit avec
mépris : « Qu’elle retourne à ses casseroles ! » En
revanche, elle se montre experte au filage, activité typiquement féminine, tant
pour la femme forte des Proverbes que pour les aristocratiques héroïnes des
romans de chevalerie, enfermées dans la chambre des Dames.
À Rouen, elle propose de comparer sa dextérité aux plus
expertes fileuses et couturières de cette ville drapière de renom. En un sens,
d’ailleurs, elle file trop bien. La quenouille est supposée davantage occuper
les doigts des filles oisives qu’être un gagne-pain.
Aucun texte ne permet de savoir si Claude tenait avec
plaisir ou avec ennui la quenouille ou la queue des casseroles. Elle n’a pas
joué longtemps la dame noble, tenant hôtel à Metz face à l’église
Sainte-Ségolène. Pourtant, sa dextérité manuelle ne fait pas l’ombre d’un
doute. Les tours de prestidigitation dont elle raffolait nécessitaient tous des
mains habiles. Les objets utilisés (nappe, verres) tournaient autour des arts
de la table. Peut-être simplement parce qu’ils étaient faciles à trouver
partout. Ou faut-il y voir une hésitation entre le rejet de la fonction
nourricière attribuée aux femmes (le verre est brisé, la nappe lacérée) et son
acceptation (ils sont intacts à la fin du tour) ?
Vêtues d’un habit
d’homme
Elles ont toutes les deux porté l’habit et les cheveux
courts des hommes de guerre. Avec, pourtant, une différence importante. Pour
Claude, l’habit d’homme se porte pour voyager ou pour combattre. Mais c’est en
habit de femme qu’elle arrive à la Grange-aux-Ormes, qu’elle reçoit dans son
hôtel à Metz, qu’elle joue la dame de Jarville dans les châteaux de Gilles de
Rais, ou l’épouse de Jean Douillet dans sa maison saumuroise. L’habit n’est pas
lié à une nécessité spirituelle mais à un type d’activité. Par ailleurs, il
conforte sa ressemblance avec Jeanne et satisfait sa mythomanie.
Pour Jeanne, les choses sont plus complexes. Nul ne la
reverra plus en habit de femme depuis son départ de Vaucouleurs, où elle arbore
pour la première fois l’habit d’homme, et le 30 mai, où elle est brûlée vêtue
en femme. Pour le voyage vers Chinon, difficile en hiver, cet habit paraît
commode et bien adapté. Mais Jeanne va le garder durant toutes ses campagnes
comme lors de l’hiver passé très pacifiquement entre Sully-sur-Loire et
Orléans. Elle le garde en prison comme devant ses juges.
Lorsqu’elle abjure, elle n’y renonce que quelques jours
avant de le remettre, ce qui lui vaut d’être condamnée comme relapse. L’habit
d’homme est constitutif de son identité profonde.
À ce port de l’habit
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