Jeanne d'Arc Vérités et légendes
mais il n’y a aucune preuve qu’elle ait soutenu l’imposture.
Quant au sens de la famille de Claude, c’est un postulat (toutes les femmes
auraient le sens de la famille) que rien ne corrobore.
Refuser de se
marier
Aucune d’entre elles ne s’est mariée entre quinze et vingt
ans, comme toutes les autres filles, à un garçon accepté, voire choisi, par les
parents.
Le mariage de Jeanne nous est fort mal connu. Elle avait
entre douze et dix-sept ans quand ses parents lui présentèrent un garçon qui
convenait, comme ils l’avaient fait, quelques années plus tôt, pour sa sœur
Catherine, qui avait épousé Colin, fils du maire du village d’à côté, lui-même
laboureur et un peu plus âgé qu’elle. Pour Jeanne, il y eut fréquentation
officielle et échange de promesses de fiançailles, puisque le recours à
l’officialité fut ensuite nécessaire pour les rompre.
Le procès qui a eu lieu à Toul (1427, 1428 ?) est
perdu. À Rouen, les juges prétendent que le fiancé, horrifié par sa mauvaise
conduite, a désiré rompre ses engagements. Jeanne rétorque que c’est elle qui a
rompu. Le tribunal de l’évêque lui a donné raison. Elle aurait invoqué le vœu
de virginité qu’elle avait fait à Dieu dans sa treizième année. Il n’est guère
possible en effet de plaider un autre choix humain : seul Dieu peut
l’emporter sur le mari choisi par les parents. Pourtant, Jeanne ne veut pas non
plus s’enfermer dans un couvent. Elle cherche une voie qui n’existe pas de son
temps, où toutes les filles sont mariées ou religieuses. Le célibat féminin
dans le monde est quasi impossible.
Le mariage de Claude n’est guère plus clair. À vingt-six
ans, elle avait passé l’âge normal au mariage et elle n’était probablement plus
vierge. La cérémonie fut précipitée et lui évita de gros ennuis avec
l’Inquisition. Elle y gagnait un noble nom et une certaine respectabilité.
Robert des Armoises toucha probablement une dot payée par Elisabeth de Gôrlitz
ou par les Virnenbourg pour accepter une épouse à laquelle sa famille
n’ouvrirait pas grands les bras. De cet expédient d’urgence, les mythographes
veulent faire un mariage d’amour : c’est l’instinct, disent-ils, qui rend
les femmes facilement amoureuses (!) ou, encore plus fleur bleue, elle avait un
faible depuis longtemps pour Robert des Armoises ! Mais, là, les preuves
manquent. Elle aurait été une bonne épouse, entre l’hôtel de Metz l’hiver et le
château de Jaulny l’été. Soyons réalistes : le mariage d’amour n’est pas
d’actualité au XV e siècle, cette union a duré au plus quatre ans
(Robert est mort avant 1440, puisque le Bourgeois dit « elle avait été
mariée », ce qui suppose qu’elle est veuve). Entre-temps, notre petite
épouse a pas mal voyagé, sans que le mari ne soit jamais signalé à ses côtés.
Sans descendance
Jeanne, qui est restée vierge, n’a évidemment pas eu
d’enfant. Aurait-elle même pu en avoir ? Psychologiquement, elle a horreur
des contacts physiques et peur du viol dont elle sent la menace en permanence.
Elle repousse le tailleur trop entreprenant, comme les avances d’Aymon de Macy.
Si elle était violée, peut-être perdrait-elle ses dons de prophétesse.
Sexuellement, il n’est pas sûr qu’elle aurait pu avoir des enfants : elle
n’a pas de règles et son bassin est anormalement étroit.
L’accouchement est pour elle un tourment. Elle a vu mourir
en couches sa sœur Catherine et il n’est pas sûr que l’enfant ait survécu. Une
femme sur quatre meurt en couches à son premier enfant. La maternité est un
gros risque, mais la justification féminine par excellence. Les souffrances de
l’accouchement sont une conséquence du péché d’Ève. Toute femme qui accouche risque
peut-être sa vie mais elle fait son salut.
Elle assiste sa cousine enceinte peu avant son départ de
Lorraine. Plus tard, au faîte de sa gloire, durant l’été de 1429, elle
participe aux prières pour ressusciter un bébé mort-né dans l’église de Lagny.
L’opération réussit pour ce qu’on en attend : quelques minutes de vie qui
permettent à cet enfant d’être baptisé et d’accéder au Paradis. L’Église se
méfie de ces miracles « à répit » qui lui paraissent factices (en un
sens, ils le sont, puisque l’enfant meurt) mais qui répondent à une forte
demande des parents. Ceux-ci ont déjà perdu l’enfant en ce monde, ils ne
peuvent
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