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Journal Extime

Journal Extime

Titel: Journal Extime Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Tournier
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d’Hadrien, Margarita Yourcenaria, qui était son livre de chevet. À Paris quelques sourires accueillent mon histoire. À Francfort personne ne bronche.
     
    Victor Hugo : « La musique est un bruit qui pense. » Ce mélange de génie éclatant et de totale stupidité, c’est tout Victor Hugo. Il en avait conscience et accueillit avec une certaine satisfaction (in Choses vues ) ce jugement de Leconte de Lisle : quelqu’un ayant dit que V.H. était bête, Leconte de Lisle aurait corrigé : « Oui, bête, mais comme l’Himalaya. »
     
    Le docteur V. me dit que les habitués du jogging sont des drogués au sens le plus précis du mot. En effet leur effort musculaire provoque la sécrétion par leur hypothalamus d’une hormone, l’endorphine, présentant des analogies avec la morphine. Elle leur procure une euphorie dont ils ne peuvent plus se passer.
     
    Je suis hanté par l’image de mon grand-oncle, l’abbé Gustave Fournier, accompagné par sa nièce Marie-Madeleine en 1910 au foyer d’étudiants de l’Albertus Burse à Fribourg-en-Brisgau. Ma future mère a quatorze ans. C’est son premier voyage en Allemagne. Tout baigne encore dans l’innocence – pour nous inconcevable – à laquelle le grand crime de 14-18 devait mettre fin. Cette petite campagnarde qui parle avec l’accent bourguignon s’émerveille de tout. Pouvoir franchir les années et partager un matin le petit-déjeuner de l’abbé Fournier et de sa nièce Marie-Madeleine, future Ralphine… Bien entendu je ne leur révélerais pas qui je suis pour ne pas les effrayer !
     
    Visite de Pascal Maréchaux. Il y a quinze ans lorsque j’écrivais La Goutte d’or nous avons sillonné ensemble le Sahara en moto. J’en viens par hasard à parler de mon nom et je lui apprends que ma mère s’appelait Fournier. C’est par hasard qu’elle a épousé un Tournier. Il me dit que la sienne s’appelait Maréchal, mais ce n’est pas un hasard si elle a épousé un Maréchaux. C’est que dans son école les enfants étaient placés par ordre alphabétique. Sa mère Maréchal était donc assise à côté d’une petite Maréchaux. Elle se rendit chez elle et fit la connaissance du frère aîné, tant et si bien qu’elle l’épousa, passant ainsi pour son nom du singulier au pluriel.
     
    Visite à Quimper. J’apprends que le niveau de l’Odet qui traverse la ville varie en fonction de la marée haute ou basse de la mer voisine. J’aimerais vivre avec à mes pieds cet écho de la grande respiration océane.
     
    Chaque année le 1 er  mars, une dizaine de canards colverts s’installent dans mon jardin. C’est pour eux un lieu de reproduction. Ils se jettent goulûment sur toute nourriture que je leur offre, grains, croûtons, épluchures, vidures de poissons, etc. Rien ne les rebute. Je songe à la définition de Victor Hugo : « Le canard est un cochon à plumes. » Il ne savait pas si bien dire. Car leurs ébats sexuels ont de quoi faire rougir le témoin le moins porté sur la pudibonderie. Rien n’égale leur priapisme. Régulièrement on voit deux mâles courser une cane avec un acharnement inouï. Le premier qui l’attrape lui pince la nuque et la ramone furieusement de la croupe. L’autre mâle ne s’estime pas battu. Il se juche sur le dos du premier et l’encule rageusement. Et tout cela dans un jardin de curé à l’ombre de ma vieille église !
    Les canes pondent ici et là. Le curieux, c’est que régulièrement elles déplacent leurs œufs et je n’ai jamais su comment elles s’y prenaient. Les canetons apparaissent dès la fin mai et début juillet tout le monde disparaît pour un an. Aucune gamelle n’a jamais pu les retenir. Leur biotope doit être les deux étangs du parc du château de Breteuil situé à quelques mètres. Je leur avais mis une cuvette d’eau l’année dernière. Un soir j’y ai trouvé un caneton noyé. Sa mère avait été incapable de lui donner le petit coup de bec qui lui aurait permis d’en sortir. À l’opposé j’ai vu à la TV un troupeau d’éléphants franchir une rivière. La rive opposée formait un talus difficile à franchir pour les petits. Des adultes les attendaient et les aidaient.
     
    Cyril, dix ans, ne peut dormir sans sa « chenille ». C’est un boudin d’étoffe auquel on a cousu un certain nombre de pattes. Cyril le colle à son visage quand il se couche. Le problème pour sa mère, c’est de laver l’objet, car il faut qu’il soit sec et

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