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Journal Extime

Journal Extime

Titel: Journal Extime Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Tournier
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Comme c’est l’Épiphanie, le prédicateur déclare dans son sermon : « J’avoue que les aventures des trois Rois mages ne m’ont jamais beaucoup intéressé, en revanche j’ai été passionné par le quatrième Roi mage, imaginé par l’écrivain Michel Tournier. »
    Je ne dis rien, mais la messe télévisée terminée, je reviens sur le sermon. « Tu vois que je ne suis pas totalement inconnu. On me cite le dimanche dans le sermon ! » Ma mère : « Oh, attention, hein ! Il a dit l’écrivain Michel Tournier » Moi : « Et alors ? C’est bien la vérité non ? » Elle : « Oui, mais il n’aurait pas dit : l’écrivain Goethe ou Victor Hugo. »
    Évidemment. Cet « écrivain » avait tout gâché !
     
    Retour d’Afrique équatoriale, je rends visite au peintre Jean Hélion devenu complètement aveugle. Il me demande d’un air bougon : « Alors, le Gabon, comment est-ce ? » Moi : « C’est très Douanier Rousseau ». Hélion : « C’est bien ce que je pensais. »
     
    Simone Weil : Un des plaisirs les plus délicieux de l’amour humain : servir l’être aimé sans qu’il le sache.
     
    Simone Weil : La pendaison. Un homme tué par la pesanteur. Est-ce là un symbole ? Son inclination invincible vers le bas le fait mourir.
     
    « J’ai compris ce qu’est l’obscurité, dit l’aveugle. C’est quand tu ne me touches plus. »
     
    Le film E.T. de Spielberg, beau festival d’amour-pitié. E.T. est un fœtus. Les enfants le protègent contre les hommes en blouse blanche (avorteurs) qui veulent le tuer.
     
    Entendu ce dialogue d’un couple à Arles. Lui : « Moi, je ne dors jamais plus de quatre heures par nuit ! » Elle : « Et alors, qu’est-ce que tu fais le reste du temps ? » Lui : « Eh pardi, je me repose ! »
     
    J’ai accroché dehors contre la fenêtre une mangeoire où des oiseaux viennent sans cesse picorer du grain. Le chat a trouvé place sur une chaise à l’intérieur et les regarde passionnément. Âcre fascination, plaisir désespérant qui se nourrissent d’une faim exaspérée et impossible à satisfaire.
     
    Mort de J.F. Atteint d’un cancer. Il m’avait parlé au téléphone : « Je me serais cru plus fort devant la mort », m’avait-il dit. Je lui avais répondu que ce n’était pas la menace de la mort qui l’affaiblissait, mais la maladie. Je me souvenais de P.D.R. : « Le cancer ne se contente pas de tuer. Avant de tuer, il déprime. Alors que la tuberculose excite l’érotisme, la sclérose en plaques euphorise, etc. »
     
    En matière littéraire, le critère de l’amateur et du professionnel pourrait être le suivant : être capable de reconnaître la valeur éminente d’un livre que personnellement on déteste, tel est le privilège du professionnel. Au contraire l’amateur reste aveugle aux qualités même éclatantes d’un livre dès lors qu’il va à l’encontre de ses goûts.
    Je me pose la question en évoquant l’année 1932 de l’Académie Goncourt. C’est là qu’elle commit sa plus lourde bévue : refuser le Prix au Voyage au bout de la nuit de L.F. Céline. Je n’ai aucun goût pour Céline et sa manière. Aurais-je eu la force de voter néanmoins pour lui, comme cela s’imposait absolument ? Je n’ose le croire hélas !
     
    Lettre d’un suicidaire à sa mère : « Me suicider, ce serait, ma chérie, une gifle sur ton pauvre visage, si violente, si insultante, si blessante que tu en mourrais à ton tour dans l’instant même. Donc rassure-toi, je ne partirai pas que tu ne m’aies précédé, et ta mort sera pour moi un verrou qui tombe, une porte qui s’ouvre, un visa pour l’au-delà. Mais ne tarde tout de même pas trop, maman, parce qu’il me vient parfois des impatiences, des élans, des humeurs vagabondes et qui sait si je saurai toujours y résister ? Ne me fais pas la farce de vivre centenaire, car vois-tu, pour partir volontairement, il faut être jeune, et déjà je me sens un peu vieux pour embrasser la mort. Un suicide de vieillard, c’est laid et ridicule. »
     
    J’ai dit à Henri, quatorze ans : « Sais-tu ce qui va arriver ? Ta mère va t’asseoir sur une chaise dans la cuisine, elle va prendre le sécateur du jardin et elle va une fois de plus saccager tes cheveux. Viens avec moi au coiffeur ! » Il se rebiffe, intimidé et naturellement rebelle, mais il sent que j’ai raison. Finalement il cède et je le conduis Chez Jean-Louis pour

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