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Julie et Salaberry

Julie et Salaberry

Titel: Julie et Salaberry Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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vous. Aujourd’hui, je le dépose à vos pieds. Épousez-moi, très chère Emmélie.
    Elle tressaillit. Jamais elle n’avait pensé qu’il se rendrait jusque-là. Peut-être que lui-même n’y avait jamais cru. Et curieusement, Ovide eut la sensation que la sueur mouillait sa chemise et il s’épongea le front en sortant un élégant mouchoir de soie blanche. Il avait toujours agi par intérêt, usant de manigances pour arriver à ses fins, et longuement répété les actes d’une comédie qu’il croyait avoir habilement ficelée: de belles paroles visant à la fois à flatter le père et à amadouer la mère, cette dernière se méfiant encore de lui. Mais il ne s’était jamais interrogé sur ses propres sentiments et, soudainement, en prononçant les mots préparés pour la grande scène qu’il avait imaginée, il tremblait comme n’importe quel homme avouant son amour à la femme de ses vœux. Et il découvrait avec stupéfaction qu’il était réellement amoureux d’Emmélie Boileau; que toutes les actions qu’il croyait avoir menées de main de maître avec sa raison avaient été secrètement dictées par le cœur.
    Ovide la contempla avec un regard nouveau. Il aimait sa silhouette gracieuse et lorsqu’il était près d’elle, il éprouvait une étrange sensation d’apaisement. Sa seule présence le rendait meilleur. Elle était digne dans sa robe sombre qui accentuait la beauté de ses yeux noirs. Il découvrait qu’il souhaitait ardemment que ce regard ne le quitte jamais. Auprès d’elle, il deviendrait l’homme que son père avait toujours espéré le voir devenir. À tout prix, il fallait qu’elle accepte!
    Pourtant, combien de fois l’avait-elle rejeté en se moquant, le narguant de propos acerbes? Et lui, il avait joué le jeu avec un plaisir grandissant. Ne comprenait-elle pas à quel point il avait besoin d’elle? Mais comment aurait-elle pu, puisque lui-même venait à peine de le découvrir?
    â€” Monsieur de Rouville, commença-t-elle avec calme.
    Elle dissimulait ses véritables sentiments. Cet homme lui avait toujours inspiré de la répugnance, mais aussi de la peur. Celle, surtout, d’être obligée d’accepter sa demande, contrainte par la pression sociale, par une rumeur insis-tante qui placerait les siens dans une situation impossible. Mais étrangement, aujourd’hui, elle le trouvait presque touchant, même si elle demeurait persuadée qu’il lui jouait une comédie.
    â€” Monsieur de Rouville, je ne sais quoi vous dire. Votre proposition de mariage honore ma famille, mais vous avez toujours su que je ne l’accepterais pas.
    â€” Emmélie, je vous supplie de prendre le temps de réfléchir. Je vous offre de devenir un jour seigneuresse de Rouville.
    â€” Vous me connaissez suffisamment pour savoir que je ne tiendrai pas compte de cet argument.
    â€” Mais votre père…
    â€” Ce n’est pas lui qui se mariera et, en toute honnêteté, je ne puis accepter. Je n’ai aucune inclination pour vous, monsieur de Rouville.
    Pourquoi n’utilisait-elle jamais son prénom? Cela lui faisait mal. Si seulement elle consentait à dire «Ovide»?
    â€” Pourtant, Emmélie, je vous aime! À tel point que je ne peux y croire moi-même, dit-il, le regard exalté. Je vous en conjure, ne me rejetez pas. J’ai tant besoin de vous, gémit-il.
    Emmélie tressaillit. Un frisson lui parcourut l’échine, tant il avait l’air sincère. Elle se détourna, préférant ne plus voir son visage, faisant quelques pas dans la pièce pour s’éloigner de lui. Le fait qu’il se tienne près d’elle l’indisposait. Elle connaissait le moyen de faire cesser cette comédie et, cette fois, elle n’hésita pas.
    â€” Je ne vous aime pas. Et jamais je ne pourrai vous aimer. Je sais ce que vous avez fait à Marguerite Lareau.
    Il absorba la violence du choc. La blonde venait encore de se mettre en travers de son chemin.
    â€” Puisque vous savez, je ne vous ferai pas l’offense de le nier, confessa-t-il avec un air grave. J’étais jeune et je regrette amèrement mon geste, messire Bédard lui-même pourra en témoigner, si vous l’exigez.

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