Julie et Salaberry
qui-vive en votre présence. Mais jâignorais que câétait pour cette raison. Sâil en est ainsi, vous avez droit à toute ma reconnaissance.
à ce point de la conversation où Ovide avait épuisé toutes les flatteries à lâégard de Boileau, madame et ses filles rentraient enfin.
â Monsieur de Rouville! En voilà une surprise! le salua madame Boileau. Jâai reconnu la calèche, dehors, mais je croyais que nous avions la visite de votre sÅur. Jâai dâailleurs envoyé Joseph se réchauffer à la cuisine. Mais vous me voyez tout de même fort étonnée de vous voir ici! Ne devriez-vous pas être avec votre compagnie sur le champ de bataille?
â Chère madame, je me suis fait déclarer malade pour revenir auprès de ma mère qui sâinquiétait de mon sort.
â Vraiment? Et on vous a laissé partir? le ques-tionna madame Boileau dâun ton railleur. Je croyais quâil y avait encore de nombreuses troupes aux environs de Châteauguay.
â Câest en effet la vérité, chère madame.
Emmélie assistait à ces échanges polis en silence. à voir lâair de contentement sur le visage de son père, un nÅud se forma dans son estomac.
â Mes chères, monsieur de Rouville me racontait quâil était à Châteauguay, tout comme notre Godefroi qui a combattu si vaillamment.
â Sur la ligne de feu, père, vous vous rendez compte? intervint Zoé qui avait été très impressionnée par les exploits de son cousin. Godefroi a tiré sur les Yankees. Avez-vous fait de même, capitaine de Rouville?
â Certainement, jeune demoiselle, mentit Ovide.
Après tout, sa compagnie et lui avaient permis à ceux qui sâétaient battus de regagner leurs baraquements pour se reposer, et ce nâétait tout de même pas sa faute si lâennemi avait déjà retraité. Avant que la conversation ne sâengage plus avant, Ovide prit un air solennel.
â Monsieur Boileau, madame Boileau, je vous demande instamment la permission de mâentretenir seul à seul avec votre fille, mademoiselle Emmélie.
Estomaquée, Emmélie écarquilla les yeux en faisant signe à sa mère quâelle ne voulait pas. La demande était explicite: Ovide de Rouville voulait lui parler de mariage.
â Bien sûr, bien sûr, approuva toutefois le père.
Il jubilait en entraînant sa femme et la benjamine à lâextérieur du salon, refermant la porte derrière eux avant dâexprimer sa satisfaction en se frottant les mains.
Juste avant de sortir, madame Boileau chuchota à lâoreille de sa fille:
â Suis les inclinations de ton âme, et tu auras ta mère avec toi.
Dès quâils furent seuls, Ovide se précipita devant Emmélie, emprisonna fermement ses mains dans les siennes, et plia un genou devant elle.
â Emmélie, je sais que vous refusez de croire en mes sentiments, commença-t-il précipitamment, mais avant de prononcer une parole, je vous en prie, écoutez ce que jâai à vous dire.
Stupéfaite, Emmélie constata quâOvide était ému. Pour cette raison, sans doute, mais aussi parce que la noblesse de son propre cÅur avait ses lois et quâelle pouvait difficilement être impolie, elle consentit à le laisser sâexprimer.
â Sâil vous plaît, monsieur de Rouville, relevez-vous, dit-elle, et rendez-moi mes mains. Je ne peux supporter de vous voir ainsi. Mais je promets de vous écouter.
Il se redressa. La partie ne serait pas facile, il sâen doutait. Mais il venait de marquer un point.
â Chère Emmélie. à peine de retour du champ de bataille, vous étiez la première personne que je tenais impérativement à voir, ce qui explique ma présence aujourdâhui. Vous nâêtes pas sans avoir remarqué mon empressement à votre égard pendant lâannée qui vient de sâécouler.
â Comme vous le dites, monsieur de Rouville, je ne pouvais pas ne pas remarquer vos assiduités, répondit Emmélie, narquoise. Vous mâavez assez souvent piégée pour obtenir ma compagnie et sans doute avez-vous remarqué également que je ne recherchais pas la vôtre.
Le prétendant fit mine dâignorer son ton ironique.
â Pourtant, il y a longtemps que mon cÅur est Ã
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