Julie et Salaberry
rendu les armes, il me faudra de solides arguments pour faire face à ton père. Le fils Rouville est un parti inespéré à bien des égards. Un parti qui ne se refuse pas.
â Zoé, va rejoindre notre père, je te prie, demanda Emmélie à sa petite sÅur qui avait assisté à la scène et faisait mine de vouloir la consoler.
â Fais ce que dit ta sÅur, ordonna la mère.
Dès que Zoé fut hors de portée de voix, Emmélie raconta à sa mère la triste histoire de Marguerite.
Beauport, 6 novembre 1813
Mon très cher fils,
Je suppose que des lettres de toi sont en route pour Beauport. En attendant quâelles arrivent, je te félicite avec toute lâeffusion dâun cÅur paternel. La force de ce sentiment doit tâêtre connue, surtout à présent que tu es père. Je ne pourrai jamais te peindre la joie que nous avons éprouvée en apprenant les dangers que tu as courus et ta gloire. Ta mère a eu un tremblement universel. Le calme ayant succédé, il nâest resté que la douceur dâune joie pure, mêlée à de la tendresse et à de lâestime. Ton intrépidité ne nous a point étonnés, mais ta conduite et ton habileté en ce jour mémorable sont vraiment dignes dâadmiration. Câest le génie même du commandement qui tâa inspiré. Câest inouï. Quoique cela ait lâair fabuleux, il est pourtant vrai que câest toi qui, avec tes trois cents braves, a sauvé le pays en arrêtant lâinvasion de cette armée qui nous menaçait. Une poignée dâhommes pour repousser, mettre en déroute, chasser enfin une armée de plus de sept mille hommes, voilà ce quâon peut appeler un prodige.
Tu as été particulièrement exposé, monté sur ce coursier de nouvelle espèce. Mais à travers les périls de cette mémorable journée, tu étais du moins exempt de celui de tomber sous un cheval tué ou blessé. Malgré cela, je te conseille et te prie très instamment de ne plus choisir un tel cheval de bataille. Perché là -dessus, câest être une cible facile. Braver les dangers est digne de ton caractère; mais il ne faut pas en chercher dâinutiles. Tu es, je crois, le premier général qui ait gagné une bataille en grimpant sur une souche.
Je suis fier de mon fils! Nos compatriotes doivent partager ce sentiment. Juchereau dit que tu es un bon et excellent général. Et si tu savais tout ce quâil dit de toi, ta modestie se fâcherait contre lui.
Ne crois pas, mon enfant, quâà travers toute cette gloire militaire je perde de vue mon cher petit-fils si joli. Je lui souhaite tous les biens et, surtout, quâil possède lâhonneur à un degré aussi élevé que son père. à tous deux, et à lâaimable maman, les plus abondantes bénédictions que la Divine Providence puisse répandre sur les humains! Quâelle te préserve des dangers de la guerre. Ta mère sâunit à ces vÅux avec toute la tendresse et la candeur de son âme. Elle tâassure de son amitié. Tes sÅurs sây joignent, toutes complimentent le victorieux général, Hermine comprise. Ãcris-moi. Tu obligeras bien particulièrement quelquâun qui joint au plus profond sentiment dâattachement celui de lâestime portée au plus haut degré. à cela, mon cher fils, tu reconnaîtras bienâ¦
Ton tendre père et ami, Louis de Salaberry
Â
«Mission accomplie, père», songea Charles en relisant la longue épître. Il avait enfin répondu aux attentes de son père. «Pauvre mère», se dit-il. Le récit de ses exploits lui avait sûrement rappelé le sacrifice dâÃdouard. Curieusement, au cours du combat, il nâavait pas pensé un seul instant à sa sécurité, ni à Julie ou à son fils. Il avait été emporté par le feu de lâaction. Il voulait vaincre, il avait gagné. La reconnaissance finirait bien par venir. Le contraire était tout simplement impensable.
Il avait sauvé Montréal et on lâavait maltraité. Mais il avait ses défenseurs. Peu après la publication de lâordre général de Prévost qui lâavait tant blessé, Michael OâSullivan, un avocat de Montréal présent à Châteauguay, avait publié
Weitere Kostenlose Bücher