Julie et Salaberry
également un hausse-col?
â Admettez quâun col et une cravate sont plus appropriés pour une soirée quâun ornement de cuivre autour du cou, dit-il à cette petite curieuse qui lâamusait. Et maintenant que nous avons fait connaissance, mademoiselle Zoé, voulez-vous servir de guide à lâétranger que je suis auprès de ces aimables personnes?
â Ce sera un honneur, major, répondit la fillette dâun ton cérémonieux. Vous avez rencontré ma sÅur Emmélie et mon père.
Elle désigna lâun des deux sofas recouverts dâun tissu fleuri assorti aux rideaux.
â Et voici ma sÅur Sophie, dit-elle en désignant la pianiste de tout à lâheure qui échangeait des minauderies avec Drolet.
Ce dernier la contemplait avec adoration. Incontestablement, ils formaient un couple harmonieux.
â Quand aura lieu le mariage?
â à lâautomne, répondit Zoé.
Elle soupira.
â Plus tard, jâespère être aussi jolie que Sophie.
â Vous le serez certainement, confirma Salaberry en remarquant la même blondeur de cheveux et une similitude dans les traits. Vous lui ressemblez beaucoup.
Zoé savoura son premier émoi de femme en devenir, et le regard de Salaberry se reporta sur le groupe des jeunes gens. Julie et le notaire avaient lâair de sâamuser et les yeux de sa cousine brillaient avec une telle intensité que Salaberry se surprit à envier René.
â Nâest-ce pas votre frère qui cause avec mademoiselle de Rouville?
â Dans les soirées, on les voit toujours ensemble, affirma spontanément Zoé. Je crois quâils sont secrètement fiancés.
Cette révélation déboussola Salaberry.
â Mais je nâen suis pas certaine! ajouta-t-elle en prenant un air important. Vous comprenez que je ne puis espionner la demoiselle comme si elle était lâune de mes sÅurs. Mais, lâété dernier, jâai entendu madame Bresse demander aux demoiselles de Niverville «si, par le plus grand des hasards, elles étaient au courant de fiançailles».
Zoé avait prononcé ces derniers mots en imitant le ton dâune commère.
Mais Salaberry ne lâécoutait plus. Il avait bien envie dâaller rosser ce prétentieux qui osait courtiser sa cousine. En fait, René exposait ses projets dâexportation du blé des prochaines récoltes.
â Et comment trouvez-vous du temps pour ces affaires, avec votre étude toujours occupée? demandait Julie au notaire avec un battement des cils.
â Hélas! Vous avez entièrement raison, mademoiselle de Rouville. Sur le territoire de la seigneurie de Chambly, il y aurait de quoi occuper quatre notaires, alors que nous ne sommes que deux. Monsieur Pétrimoulx est le notaire assigné du côté de Pointe-Olivier et moi, à Chambly. Ce qui mâoblige à effectuer beaucoup de déplacements pour réussir à tout faire.
â Voilà lâexplication de vos absences trop nombreuses, roucoula Julie, ce qui agaça Salaberry.
On lui avait affirmé que Julie était libre. Or, il constatait avec un brin de jalousie quâelle flirtait outrageusement avec le notaire du lieu.
â Messieurs, interrompit brusquement Ovide. Les propos sérieux ennuient ces aimables demoiselles qui attendent nos compliments. à commencer par la reine de cette soirée, notre charmante hôtesse.
Et, à la surprise de tous, il sâempara de la main dâEmmélie avec des airs de propriétaire et la baisa, sans quâelle ne puisse esquisser un geste de retrait.
â Oh! sâécria Emmélie, outrée par cette audace.
â Admirable demoiselle, je porte mes hommages à vos pieds, ajouta-t-il avec la hardiesse dâun amoureux passionné.
â Tout ceci est ridicule, dit Emmélie en le repoussant.
Furieuse, elle sâempara de lâéventail de Sophie quâelle agita avec vivacité â elle utilisait rarement cet accessoire féminin qui lâencombrait, préférant généralement avoir les mains libres. à tort, le comprenait-elle à lâinstant, car le bel objet de corne et de soie permettait dâexprimer des sentiments sans prononcer une parole, comme la rage de sâêtre fait piéger. Elle referma brusquement lâaccessoire sur son épaule droite, ce qui
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