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Julie et Salaberry

Julie et Salaberry

Titel: Julie et Salaberry Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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Rassurez-vous, ce que vous craignez est tout à fait impossible, répliqua-t-elle froidement, avec un sourire forgé par des années de mondanités. Avec l’éducation qu’ils ont reçue, mes grands enfants n’ont nul besoin d’outrepasser leur classe, comme vous semblez le croire. Et ceux qui osent le prétendre ont menti.
    â€” Au moins, vous connaissez votre rang, au contraire de votre époux qui fait chanter toute la paroisse avec son pont. Est-ce à dire qu’il n’a plus les moyens de le réparer à ses propres frais? insinua perfidement Thérèse.
    Madame Boileau serra les dents sous l’affront. Voilà où menaient les querelles de son époux! Jamais auparavant, les demoiselles de Niverville n’auraient osé lui tenir des propos aussi offensants!
    Ayant jeté tout leur fiel, celles-ci se levèrent en chœur, annonçant leur départ. Madame Boileau les ignora superbement.
    â€” Ma chère petite, dit Madeleine à Julie, je crois qu’il est l’heure.
    â€” Madame Talham, fit Thérèse à Marguerite avec un air parfaitement hypocrite, votre enfant est remarquablement calme. Recevez toutes nos félicitations. Je vous prierais de faire avancer la carriole de mademoiselle de Rouville, ajouta-t-elle comme si elle s’adressait à une domestique.
    Loin de s’en offusquer, Marguerite se hâta d’appeler. «Qu’elles disparaissent, et surtout, qu’elles ne reviennent plus!» songea-t-elle.
    Mais le pire n’était pas encore arrivé. Julie dévisagea Emmélie en lui disant:
    â€” Toutes vos belles paroles ne cherchaient qu’àme cacher la vérité. Jusqu’à ce jour, je n’ai jamais voulu croire que vous vous intéressiez à mon frère. Mais j’ai l’impression que ce qu’on dit de votre famille finit par s’avérer.
    â€” Tout cela est faux, je vous l’assure… babutia Emmélie, désemparée.
    Et Marguerite, voyant ses amies se déchirer de plus belle, ne put s’empêcher de penser qu’Ovide de Rouville, même absent, avait l’art de semer la zizanie.

    Dans la carriole qui les ramenait au faubourg, les demoiselles se vidaient le cœur: «La prétention des Boileau est révoltante! C’est dire à quel point cette famille devient infréquentable. Pauvre Julie! Vous devriez vous méfier, chère petite. Les jeunes filles sont certes fort agréables, mais inclassables, puisque nées Boileau. Voyez le père: il finira par nous mettre tous sur la paille.»
    Assise auprès de Joseph, Julie n’entendait même pas ces propos. Qui d’autre spéculait sur son mariage, avançant même le nom des prétendants? Quelqu’un avait-il seulement songé à lui demander son avis à elle, Julie de Rouville, la principale intéressée?
    Ce soir-là, l’esprit entraîné dans un dédale de pensées obscures, Julie refusa de manger à la table au souper et fit monter à sa chambre un peu de bouillon et du pain, prétextant un malaise. Elle ne voulait plus penser à René, ni à Emmélie, ni à aucun autre des Boileau. Et son cousin Charles? Que faisait-il? Quand reviendrait-il à Chambly?
    Tôt le lendemain, Julie s’installa à son écritoire pour rédiger de sa plus belle écriture une première lettre à Charles où elle lui disait à quel point elle avait été heureuse d’avoir de ses nouvelles et, surtout, qu’elle en espérait d’autres prochainement.
    Â 

Chapitre 10
L’ordre de Rottenburg
    Les hauts bancs de neige disparaissaient peu à peu sous les ardeurs du soleil de mars. Désormais, des lettres de Julie et de Salaberry voyageaient entre Montréal et Chambly avec la même régularité que la malle-poste – lorsqu’il n’y avait pas de retard dans la livraison du courrier –, c’est-à-dire deux fois par semaine.
    Julie se surprenait à attendre les lettres de Charles. Sur la petite commode de sa chambre se trouvait un coffret dont elle souleva le couvercle gravé pour y ranger la dernière missive de son cousin. Elle avait pris son temps pour la lire, afin de consigner chaque mot dans sa mémoire. En vaquant à ses occupations habituelles, elle se rappellerait les phrases de Charles, s’en laisserait bercer. Sans

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