Julie et Salaberry
surtout, comment faire pour empêcher ces gredins dâarriver à leurs fins?
â Notre Julie! Une âme si innocente! Je suis persuadée que le major Salaberry sâest épris dâelle. Ils sont faits lâun pour lâautre, câest lâévidence. Marie-Desanges a appris, par Joseph, que la chère enfant entretient une correspondance secrète avec le major.
â Ma sÅur, déclara Thérèse, notre devoir est de la tirer des doigts crochus de ces aigrefins.
Les demoiselles convinrent de commencer leur mis-sion par une visite chez Marguerite Talham, qui avait lâavantage dâêtre à la fois une parente des Boileau et une amie de Julie. Prétextant quâelles nâavaient pas encore eu le bonheur de contempler la dernière-née de la famille du docteur, il fut facile de convaincre Julie de leur présenter sa filleule.
Les dames Boileau étaient installées dans la chambre de compagnie chez Marguerite à broder une nappe lorsque Lison annonça:
â Les demoiselles de Niverville et mademoiselle de Rouville, madame.
â Bonté divine! laissa tomber Marguerite.
â Que viennent-elles faire ici? demanda Sophie, déçue de devoir abandonner son ouvrage.
Lâaprès-midi devait être consacré à la confection du trousseau de Sophie et aux joyeux bavardages. La présence imprévue de madame Boileau et de Zoé ne dérangeait nullement Marguerite, bien au contraire. Elle aimait sincèrement sa tante Boileau, toujours reconnaissante de lui avoir procuré une éducation de demoiselle, alors quâelle nâétait quâune simple fille dâhabitant.
Mais lâarrivée des augustes bessonnes et de Julie obligea Marguerite à filer vers la cuisine afin de parlementer avec Lison. Il fallait improviser une collation digne de ce nom. Emmélie la suivit, ne tenant pas à se retrouver en petit comité avec Julie, même si elle déplorait le froid qui sâétait installé entre elles depuis leur dernière conversation.
â Puisque nous sommes arrivées en force, jâai pensé que tu aurais besoin dâun petit supplément.
Dans un torchon se trouvait un pain confectionné par Ursule le jour même. Marguerite remercia Emmélie avec gratitude.
â Je vais faire des tartines, ce sera parfait.
â Alors, pourquoi as-tu lâair si désespérée? demanda Zoé en pénétrant à son tour dans la cuisine avec Sophie. Il y a assez de chaises. Je les ai même comptées. Nâest-ce pas, Lison?
â Pour sûr, mademoiselle. Ces dames sont bien installées, soupira la petite bonne qui nâaimait guère les demoiselles.
â Retourne puiser de lâeau fraîche, ordonna Marguerite à Lison en ignorant la question de Zoé. Tu la fais chauffer sur le poêle, mais sans la bouillir, rappelle-toi. Ah! Voici le thé et ma grande théière, mais est-elle propre? se demanda-t-elle en examinant fiévreusement lâustensile.
â Tu sembles bien nerveuse, remarqua à son tour Sophie, peu habituée à voir sa cousine perdre son sang-froid.
â Mais câest une véritable troupe qui vient dâarriver! Il ne manque plus que madame Bresse, sa sÅur Clémence, ainsi que Marie-Josèphe, pour que toutes les dames de Chambly se trouvent chez moi. Non pas que je me plaindrais si la sÅur du curé était avec nous. Notre chère Marie-Josèphe a grand besoin de distraction, avec son frère qui lâempêche de sortir.
â Je lâai trouvée pâle, lâautre jour à la messe, approuva Sophie en hochant la tête. Jâai même cru quâelle était malade.
â Elle est triste dâêtre confinée au presbytère depuis que son frère lui refuse la permission de nous fréquenter, expliqua Emmélie.
â Je me demande ce que viennent faire ici les demoiselles, dit Marguerite. Je ne me rappelle plus à quand remonte leur dernière visite. Elles refusent les soins et remèdes dâAlexandre et font venir le docteur Mount, de BelÅil, pour les soigner.
â Câest la curiosité qui a poussé ces chipies jusquâici, suspecta Sophie. Il fallait quâelles constatent par elles-mêmes à quel point ta petiote est belle comme un cÅur. Et que dire de Julie? Serait-elle malade? Elle a une mine
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