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Julie et Salaberry

Julie et Salaberry

Titel: Julie et Salaberry Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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Depuis ton arrivée, tu sembles plus préoccupé qu’à l’habitude, dit-elle.
    â€” T’aurais-je déçue? demanda-t-il, craignant ne pas avoir su la combler durant les dernières heures qui venaient de s’écouler.
    â€” Il ne s’agit pas de cela. Tu es encore trop jeune, trop vigoureux pour que les soucis qui t’accablent influencent tes splendides capacités, répondit-elle avec une certaine langueur dans la voix. Je note simplement, en te voyant froncer les sourcils, que quelque chose te tourmente. Tu peux m’en parler. Rien de ce que tu me diras ne franchira cette alcôve.
    Les yeux perdus dans une sorte de chose mousseuse, arachnéenne et absolument féminine qui servait de ciel de lit, mains croisées sous la tête et nu comme un ver, René se détendit. Un feu brûlait dans l’âtre de la cheminée. Au mur, une Vénus voluptueuse se faisait enlacer par un Cupidon au regard tendre. La pièce était décorée avec un raffinement manifestement conçu pour abriter des ébats amoureux. Sa maîtresse se leva et René put de nouveau admirer son corps souple et épanoui avant qu’elle enfile un ravissant déshabillé dont la fine toile de batiste laissait transparaître ses charmes, ne permettant pas à sa propriétaire de s’en revêtir ailleurs que dans la stricte intimité de sa chambre. Assise maintenant devant une coiffeuse, elle rassemblait ses cheveux en un chignon relâché en s’observant dans un miroir de Venise au cadre de bois doré et sculpté, ses beaux bras relevés formant d’exquises courbes dans la lumière voilée des chandeliers.
    â€” Si tu m’offres un peu de ton excellent café, je te raconterai.
    Dans le miroir, un sourire qui exprimait le contentement de prolonger leur rencontre lui répondit.
    â€” Voilà une excellente idée. J’en ai plus qu’assez de boire cette insipide boisson qu’est le thé – même lorsqu’il s’agit des meilleurs thés indiens.
    Pendant qu’elle parlait, René s’était enfin redressé pour passer sa chemise blanche et enfilait ses longs bas de laine qu’il attacha avant de remettre sa culotte et ses bottes. Il reboutonna son gilet, mais laissa de côté sa redingote noire qu’il enfilerait plus tard. Avec un peigne fin, qu’il traînait toujours avec lui, il recoiffa soigneusement ses cheveux et annonça:
    â€” Me voilà fin prêt, chère belle.
    Madame de Beaumont appela son domestique qui revint bientôt avec le café.
    â€” Viens, dit-elle en s’assoyant à une petite table près d’une fenêtre ornée de longs rideaux qui laissaient filtrer paresseusement la lumière du jour.
    Elle lui désigna la chaise, en face d’elle, servit le café et l’écouta avec toute l’attention voulue. René entreprit de lui raconter les dernières péripéties qui agitaient Chambly, lui faisant part de ses inquiétudes au sujet de sa sœur Emmélie. Madame de Beaumont avait été présentée un jour à Ovide de Rouville, un jeune homme superficiel et suffisamment outrecuidant pour qu’elle ne désire pas en apprendre plus sur lui.
    â€” Tu as sans doute raison de te méfier. Mais ne t’inquiète pas outre mesure, ta sœur me semble pourvue de moyens pour se défendre et le remettre à sa place.
    Mais comme elle ne connaissait pas la demoiselle en question et doutait de la rencontrer un jour dans sa lointaine campagne, elle n’eut pas d’autre commentaire. Elle contempla René, songeant qu’il était un homme pour qui elle aurait peut-être entrouvert la porte de son cœur, si elle ne craignait pas tant les meurtrissures de l’amour.
    L’espace d’un instant, Lisette se rappela l’existence d’un autre homme de Chambly qu’elle avait fréquenté autrefois: Alexandre Talham, qui l’avait quittée pour épouser une très jeune fille de son village. Elle soupira et revint à René qui s’apprêtait à lui dire adieu… jusqu’à la prochaine fois.

    Québec, 15 mars 1812
    Mon cher fils,
    Je viens de recevoir ta dernière lettre et je m’empresse de te répondre, car je veux aller porter sans tarder ce billet à la poste. Tu devras payer les frais, je m’en excuse, mais je ne

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