Kenilworth
lèvres : – Nos ordres étaient stricts et positifs, milord : telle fut son unique réponse.
– Et ils auraient été exécutés, illustre souveraine, continua Leicester, n’eussent-ils été qu’un simple souhait. Mais, Varney, avancez. C’est à lui à informer Votre Majesté pourquoi cette dame (il ne pouvait contraindre sa bouche rebelle à dire sa femme ) ne peut paraître en votre auguste présence.
Varney s’avança, et soutint sans hésiter ce qu’en effet il croyait fermement, que la partie citée (car il n’osait pas non plus en présence de Leicester la nommer sa femme) était dans une impossibilité absolue de comparaître devant Sa Majesté.
– Voici, dit-il, une attestation d’un des plus habiles médecins, dont les talens et l’honneur sont connus de lord Leicester, et celle d’un dévot protestant, homme de bien et de crédit, M. Anthony Foster, chez lequel elle loge ; tous deux certifient qu’elle est maintenant atteinte d’une maladie qui l’empêche absolument d’entreprendre un voyage.
– C’est différent, dit la reine en prenant les certificats et regardant leur contenu. Faites approcher Tressilian. M. Tressilian, nous nous intéressons vivement à votre situation, d’autant plus que votre cœur n’est occupé que de cette Amy Robsart ou Amy Varney. Notre puissance, grâce à Dieu et à l’obéissance de nos fidèles sujets, a quelque étendue ; mais il est certaines choses qui sont hors de sa portée ; nous ne pouvons pas, par exemple, commander aux affections d’une jeune étourdie, et faire qu’elle préfère le savoir et le bon sens à l’élégant pourpoint d’un courtisan. Nous ne pouvons rien non plus sur la maladie dont il paraît qu’est atteinte cette dame, qui ne peut par conséquent se présenter devant nous, comme nous l’avions ordonné. Voici l’attestation du médecin qui la soigne et celle du gentilhomme chez qui elle est logée, qui en font foi.
– Avec la permission de Votre Majesté, répondit Tressilian (qui, craignant la conséquence d’une imposture aussi dangereuse, oublia ce qu’il avait promis à Amy), ces certificats ne disent pas la vérité.
– Comment, monsieur, dit la reine, vous récusez la véracité du comte de Leicester ? Mais vous aurez toute latitude pour vous défendre ; en notre présence, le dernier de nos sujets a le droit de parler comme le premier, et le plus obscur comme le plus favorisé. Vous serez donc écouté sans obstacle ; mais gardez-vous de parler sans preuves ; prenez ces certificats, examinez-les, et dites-nous sérieusement si vous doutez de leur authenticité, et sur quels fondemens.
Tandis que la reine parlait, la promesse que Tressilian avait faite revint s’offrir à son esprit, et combattit vivement l’ardent désir qu’il avait de donner un démenti formel à des pièces dont la fausseté lui était démontrée ; son air irrésolu prévint contre lui Élisabeth et tous ceux qui le voyaient. Il tournait et retournait les papiers comme un idiot, incapable de comprendre ce qu’ils contenaient ; l’impatience d’Élisabeth commençait à devenir visible.
– Vous êtes un savant, monsieur, dit-elle, et un savant de mérite, m’a-t-on dit, et cependant vous êtes d’une longueur étonnante à lire ce peu de mots. Qu’en dites-vous ? ces certificats sont-ils vrais ou faux ?
– Madame, répondit Tressilian avec un embarras et une hésitation remarquables, voulant d’un côté éviter de reconnaître des certificats qu’il se trouverait peut-être bientôt dans la nécessité de dénier, et de l’autre désirant garder sa parole à Amy, et lui donner le temps, comme il le lui avait promis, de plaider elle-même sa propre cause comme elle l’entendrait. – Madame…, madame…, Votre Majesté m’oblige à reconnaître des certificats dont l’authenticité devrait être prouvée d’abord par ceux qui en font la base de leur défense.
– M. Tressilian, vous êtes aussi bon avocat que bon poète, dit la reine en jetant sur lui un regard de mécontentement. Il me semble que ces écrits étant produits en présence du noble comte de Leicester auquel appartient ce château, et l’honneur du comte étant appelé en témoignage, leur vérité doit vous être assez démontrée ; mais, puisque vous insistez sur ces formalités, Varney, ou plutôt Leicester, car cette affaire vous regarde maintenant (cette parole, quoique jetée au hasard, fit frémir le comte),
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